2014, année historique pour le Brésil

Maracana finale de la Coupe du Monde 1950

Dans un stade de Maracanã encore inachevé, les 173 500 spectateurs assistent à l’une des plus grandes désillusions de l’histoire du football. Le Brésil favori est battu chez lui par l’Uruguay en finale de la Coupe du Monde 1950.

Le Brésil, c’est la terre du football créatif par excellence. Parfois erratique ou tourmenté, souvent fantasque mais toujours génial, le joueur brésilien n’a de cesse d’exercer une véritable fascination au sein de la planète football. C’est pourquoi la prochaine Coupe du Monde revêt un caractère tout particulier pour le pays, hôte de l’événement. Un statut qui propulse automatiquement la Seleção au rang de favori. La pression, aussi bien sportive que sociale, est considérable.

Le football et le Brésil, c’est un lien indéfectible qui perdure depuis la fin du XIXème siècle. Charles W. Miller, jeune anglo-brésilien de retour dans son pays d’origine après des études en Angleterre, ramène dans sa valise, un ballon et les règles de ce sport qui deviendra dès lors incontournable.

Le Brésil doit pourtant attendre quelques décennies pour avoir un véritable championnat national. Le Brasileirão n’existe en effet que depuis 1959. Une jeunesse qui s’explique par la popularité des Campeonatos Estaduais, championnats étatiques qui ont longtemps prévalus.

Cette apparente éclosion tardive est pour autant rapidement contredite par l’âge canonique des clubs constituant l’élite nationale du football brésilien. Le FC Santos et le SE Palmeiras, les plus titrés depuis la création du Brasileirão furent ainsi respectivement créés en 1912 et 1914. Ajoutons à cela qu’aucune des vénérables institutions arborant une étoile de champion sur leur maillot n’a moins de 80 ans !

Coupe du Monde sur fond de tensions socio-économiques

Le Brésil va recevoir la vingtième Coupe du Monde de l’histoire. Une décision froidement accueillie dans le pays dont la ferveur pour le football n’est pourtant plus à démontrer. Il est vrai que l’organisation d’un tel événement relève aujourd’hui du sacerdoce. La faute aux exigences draconiennes instaurées par la FIFA. Celles-ci enjoignent la mise en place d’infrastructures toujours plus coûteuses qui se transforment le plus souvent, une fois la compétition terminée, en « éléphants blancs ». L’Afrique du Sud, hôte de la dernière Coupe du Monde en 2010 n’y a pas échappé. Cinq nouveaux stades de 45 000 à 70 000 places furent érigés pour l’occasion dans ce pays dont le PIB par habitant n’est que le 71ème du monde.

Des investissements que l’on pourrait néanmoins penser être à la mesure du Brésil, 7ème puissance mondiale. Mais c’est oublier que l’économie brésilienne s’est nettement fragilisée ces dernières années. Le pays voit sa croissance flancher, l’inflation exploser et le real chanceler. Le tout, sur fond de corruption massive (Transparency International classe dans ce domaine le Brésil 69ème, entre la Roumanie et la Bulgarie…)

Si les plus privilégiés ont su profiter du sursaut économique de 2008 lié à la découverte d’importants gisements de pétrole, les classes défavorisées, elles, peinent à voir leur niveau de vie s’améliorer, en terme de santé et d’éducation notamment. Elles ont d’ailleurs profité du cadre de la Coupe des Confédérations, qui s’est tenue au Brésil en juin dernier pour médiatiser la « révolte du vinaigre » venue secouer le pays durant cette période. La victoire de la Seleção dans cette coupe subsidiaire n’a toutefois pas suffi pour apaiser la colère de la population.

Un rendez-vous avec l’Histoire pour le Brésil

Cependant, cette Coupe du Monde 2014 a une saveur particulière pour le Brésil. Si le mécontentement des brésiliens ne risque pas d’être dissipé par le tarif exorbitant des places, il ne fait aucun doute qu’une fois la compétition lancée, les supporters de la Seleção sauront se mobiliser derrière leur équipe pour effacer l’affront de 1950.

Cette année-là, le Brésil accueille pour la première fois l’événement majeur du football mondial. Franchissant aisément le premier tour, les coéquipiers d’Ademir, meilleur marqueur de la compétition, se retrouve dans la poule finale avec la Suède, l’Espagne et l’Uruguay, vainqueur historique de la première édition en 1930. Tout se joue le 16 juillet entre les deux nations sud-américaines. Le Brésil part avec un net avantage puisqu’un match nul lui suffit pour atteindre le graal ; les confrontations à élimination directe ne sont alors pas encore instaurées. Après avoir ouvert la marque en début de seconde période par Friaça, la Seleção se fait rattraper puis finalement dépasser par les Charrùas grâce à deux réalisations de Schiaffino et Ghiggia. Une véritable humiliation pour les quelques 170 000 spectateurs massés dans un Stade de Maracanã inconsolable. Une plaie restée vive qui pourrait donc se cicatriser définitivement cet été, 64 ans après cette déroute.

Un défi à la mesure du Brésil version 2014 ?

Une chose qui ne s’annonce toutefois pas aisée. La Seleção ne bénéficie pas de sa génération la plus talentueuse. Si Neymar, le « messi » tant attendu, commence à exploser avec la tunique auriverde sur les épaules, le trident qu’il formera avec Fred et Hulk sera-t-il suffisant pour tenir la comparaison avec leurs illustres prédécesseurs qui ont permis au Brésil de rafler pas moins de 5 titres mondiaux ? Je parle là des Pelé, Vava et Garrincha en 1958 et 1962, Pelé toujours, accompagné de Rivelino et Jairzinho lors de l’épopée de 1970, du duo Bebeto – Romario en 1994 ou encore du trio Ronaldo, Ronaldinho, Rivaldo lors du sacre de 2002. Rien n’est moins sûr.

Roberto Rivelino, formidable milieu de terrain des seventies, qui a d’ailleurs confié récemment à Onze Mondial que l’absence de génies créateurs était le principal handicap de cette jeune Seleção. Un phénomène qu’il impute à l’européanisation du football brésilien, davantage portée sur la prévalence tactique que sur le génie technique. Le cas Fred est même selon lui symptomatique. Le truculent inventeur de l’elastico (ou flip-flap) n’hésite ainsi pas à qualifier l’ancien attaquant de l’Olympique Lyonnais de “type blessé, moyen techniquement“. Un jugement un poil sévère tant les statistiques de l’attaquant de Fluminense jouent pourtant en sa faveur. Avec 16 buts en 32 sélections, dont 9 lors de ses 10 dernières apparitions, Fred paraît assumer pleinement son rôle de numéro 9 de l’équipe nationale.

Puis, les Auriverdes ont montré qu’ils n’avaient pas besoin de bien jouer pour gagner. Ce fut le cas en 1994 aux Etats-Unis sous les ordres de Carlos Alberto Parreira. Présenter un football séduisant n’a même pas toujours été un gage de victoire. La campagne de 1982 en demeure le plus fameux exemple. Zico avec Flamengo et Socrates avec les Corinthians brillent de mille feux. Accompagnés de Jorginho, Eder et Falcao, on les imagine emmener leur équipe jusqu’à la victoire, 12 ans après leur dernier sacre en terre mexicaine. Mais c’est sans compter sur la Squaddra Azzura, toujours présente dans les grands rendez-vous. Paolo Rossi est au sommet de son art et la défense italienne infaillible. Le Brésil est stoppé aux portes des demi-finales de la compétition et laisse le trophée aux transalpins.

Roberto Rivelino, encore lui, déplore enfin que cette équipe présente davantage “de qualité en défense qu’en attaque“. Mais n’est-ce finalement pas là le véritable atout de ce Brésil version 2014 ? Thiago Silva, David Luiz, Daniel Alves et Marcelo forment une défense particulièrement aguerrie aux joutes européennes. Quant au milieu de terrain, on y retrouve de solides joueurs, indéboulonnables dans leurs clubs – italien, anglais et allemands – respectifs, tels qu’Hernanes, Ramires, Paulinho ou Luiz Gustavo.

Alors oui, ce n’est certainement pas le plus beau Brésil de l’histoire. Mais il y a fort à parier que cette équipe saura malgré tout piéger chacun de ses adversaires cet été.

Onze de départ Brésil finale 1950

16 juillet 1950 : photo officielle d’avant-match des onze hommes qui auraient dû être les héros de toute une nation.

2 réflexions sur “2014, année historique pour le Brésil

  1. Je suis toujours très surpris d’imaginer que le Brésil n’a pas d’attaquant de pointe plus excitant que Fred. C’est vrai que j’ai perdu de vue ses performances depuis qu’il a quitté Lyon mais on est loin de Ronaldo quand même (pourquoi pas Brandao… ah non c’est vrai il veut jouer avec les Bleus)

    J’aime

Laisser un commentaire