Si l’Homme a assez rapidement su mesurer le temps, il a néanmoins tardé à le transporter avec lui. La montre-bracelet a aujourd’hui définitivement pris le pas sur les imposantes horloges de bureau. Pour autant, certaines grandes maisons horlogères n’ont pas entendu délaisser ces dernières.
Les clepsydres – parfois appelées « horloges à eau » – apparues en Egypte antique plus de 1500 ans avant Jésus-Christ, sont considérées comme les premiers instruments de mesure du temps de l’Histoire. Il faut attendre le XIIème siècle pour voir apparaître les horloges mécaniques en Europe. Ces dernières ont dès lors prévalu jusqu’à ce que la montre-bracelet émerge sur le tard.
Naissance tardive de la montre-bracelet
Il est difficile de fixer l’apparition de la montre-bracelet dans le temps. L’universitaire Bernard Gazier rapporte que dans l’histoire de Port-Royal des Champs, il est mentionné que le philosophe Blaise Pascal attachait sa montre à son poignet à l’aide d’un bout de ficelle. Si l’exécution demeure archaïque, on peut toutefois imaginer que l’idée de porter la montre de cette manière s’est établie dès le XVIème siècle.
La montre-bracelet ne fût pourtant réellement mise au point qu’au début du XIXème siècle et Napoléon Bonaparte ainsi que son entourage en furent les spectateurs privilégiés. La maison Breguet adjuge cette innovation à son fondateur, Abraham Louis Breguet, qui fabriqua une montre-bracelet en 1810 en l’honneur de la jeune soeur de l’empereur, Caroline Murat, alors Reine de Naples. Mais ce titre fut également disputé par Nitot Chaumet, fondateur de la maison joaillère éponyme, qui réalisa un an plus tard une paire de montres-bracelets pour Eugène de Beauharnais, fils de l’impératrice Joséphine, adopté par Napoléon Ier. Il semblerait toutefois que la technique utilisée ici soit plus de l’ordre du cadran incorporé dans un bracelet.

Montre Girard-Perregaux réalisée pour la marine allemande à la fin du XIXème siècle. © Girard-Perregaux
Il faut dans tous les cas attendre les années 1880 pour assister à la première réalisation de montres-bracelets de masse. C’est Constant Girard, fondateur de la manufacture Girard-Perregaux avec sa femme, Marie Perregaux, qui fut à l’origine de cette démocratisation. Il fabriqua ainsi deux mille montres pour la marine allemande sur demande de l’empereur Guillaume Ier.
La montre-bracelet s’est ensuite généralisée au début du XXème siècle par le biais de Louis Cartier notamment, qui réalisa en 1904 une montre spécialement pour son ami aviateur Alberto Santos Dumont qui se plaignait de la difficulté de lire l’heure sur sa montre à gousset en cours de vol. Celle-ci demeure encore aujourd’hui, une icône de la maison parisienne.
Quid des pendules aujourd’hui ?
Au XIXème siècle, les pendules étaient un véritable symbole de réussite. Si ces dernières sont par la suite tombées en désuétude au gré des décennies, le retour en grâce de l’ancien ces dernières années a amené les grandes maisons horlogères à s’y réintéresser de plus près, même si certaines d’entre elles comme Jaeger-LeCoultre ou Cartier, n’ont jamais vraiment abandonné l’objet.
Ainsi, la célèbre manufacture de la Vallée de Joux s’est entichée dans les années 30 de la pendule Atmos, réalisé par l’ingénieur suisse Jean-Léon Reutter dès 1928. Cet ouvrage extraordinaire connaît rapidement le succès sous l’impulsion de Jaeger-LeCoultre, en devenant le cadeau officiel de la Confédération helvétique et donc indirectement, « l’horloge des présidents ». Son prestige s’est également fondé sur sa particularité à être quasi perpétuelle, quête ultime de l’horlogerie. Elle n’accuse en effet qu’un jour de décalage tous les 3821 ans ! Une précision incroyable rendue possible grâce à une capsule de chlorure d’étyle qui, en réagissant aux variations de température, actionne doucettement le minutieux mécanisme de l’horloge. Il n’est dès lors pas étonnant qu’elle représente la quintessence du savoir-faire horloger suisse à l’international et qu’elle ait trouvé sa place dans les bureaux de personnalités telles que Winston Churchill ou John F. Kennedy.
Du côté de la maison française, c’est une nouvelle fois Louis Cartier, membre le plus singulier de la dynastie, que l’on retrouve comme le plus farouche défenseur de ces horloges de table. Ayant en horreur la vague de l’Art nouveau qui déferla au début du XXème siècle, il ne cessa de proposer contre vents et marées, ses classiques pendules « mystérieuses », qui continuent encore aujourd’hui d’apparaître dans le Cartier Collection Timepieces.
- Pendule Cartier « Mystérieuse » de 1923. Collection Cartier © Cartier
- Montblanc Horological Timewriter Nicolas Rieussec. © Montblanc
D’autres illustres horlogers se sont lancés dans l’univers de la pendule plus récemment. On pense notamment à Montblanc qui a collaboré avec la manufacture spécialisée Erwin Sattler pour donner naissance en 2011 à son impressionnante Horological TimeWriter Nicolas Rieussec. Un hommage rendu à l’instigateur du chronographe dont on fêtait cette année-là, les 190 ans. Une pièce exceptionnelle produite à seulement 19 exemplaires qui propose en plus d’une horloge classique, un chronographe de table, une montre-bracelet chronographe et son remontoir.
Enfin, comme pour symboliser cet attrait persistant des amateurs d’horlogerie pour les pendules, un exemplaire rarissime produit par Samuel Knibb en 1665 en association avec le grand horloger de l’époque Fromanteel, a été cédé aux enchères l’été dernier par Bonhams Londres pour la somme de 500 000 euros.




Pas évident de lire l’heure sur les premiers modèles de montre Girard-Perregaux, avec cette grosse grille métallique devant les chiffres !
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