La Formule 1 est en deuil cette semaine. Elle a perdu l’un de ses plus grands pilotes. Jack Brabham s’en est allé lundi dernier à l’âge de 88 ans. Il était jusqu’alors le champion du monde survivant le plus âgé.
Prédestiné à devenir mécanicien, activité à laquelle il s’adonne dès le plus jeune âge au sein de garages locaux puis dans la Royal Australian Air Force à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, c’est un peu par hasard que Black Jack comme il était surnommé, s’est retrouvé aux volants des bolides qu’il préparait. Une tournure des événements qui explique en tout cas le pilote et le directeur d’écurie consciencieux qu’il a pu être.
Un pilote méticuleux et investi
Au lendemain de la guerre, John Arthur « Jack » Brabham se lance avec son ami Johnny Schonberg dans des courses de midget – petites monoplaces nerveuses – dans son Australie natale. Initialement, Brabham ne devait agir qu’en coulisses, laissant le soin à son partenaire de briller sur les circuits. Mais Schonberg plaque tout dès 1948, satisfaisant aux desiderata de sa compagne. Jack Brabham le supplée et découvre les joies du pilotage. Ses premiers succès arrivant rapidement, il privilégie alors son activité de pilote, sans pour autant délaisser sa passion pour la mécanique.
Ses bonnes performances lui permettent de rallier temporairement l’Europe en 1955, en vue de se perfectionner. Après avoir essuyer les refus de Ferrari, Maserati et Mercedes-Benz, c’est le britannique John Cooper qui lui offre finalement un volant. La marche est grande et ses débuts s’avèrent forcément délicats. Il est alors invité à s’aguerrir en Formule 2 et Formule Sport. Il effectue son retour en Formule 1 en 1958, toujours chez Cooper avec qui il devient champion du monde dès l’année suivante, grâce à la fabuleuse T51 et son moteur Climax placé dans le dos du pilote. Une révolution à l’époque.
Un premier titre par ailleurs auréolé d’une performance héroïque lors du grand prix des Etats-Unis à Sebring. Tombé en panne d’essence à quelques encablures de la ligne d’arrivée, Jack Brabham se voit obligé de pousser sa monoplace dans la dernière ligne droite pour accrocher une inespérée quatrième place qui lui offre les points suffisants pour remporter cette première couronne mondiale. Un scénario incroyable qu’il avait déjà connu deux ans auparavant à Monaco.
Toujours à bord de sa redoutable Cooper, Jack Brabham s’adjuge un deuxième titre consécutif la saison suivante, devançant à chaque fois ses coéquipiers Bruce McLaren puis Stirling Moss, qui étaient pourtant de sérieux clients. Mais animé par l’idée de façonner sa propre monoplace, il quitte Cooper au terme de la saison 1961, qu’il boucle à une terne 11ème place et décide de monter sa propre écurie, Brabham Racing Organisation.
- Jack Brabham, exténué après son finish surréaliste à Sebring en 1959.
- Bruce McLaren et Jack Brabham, coéquipiers chez Cooper. Ils créeront ensuite chacun leur propre écurie avec succès. © The Cahier Archive CB.
Un patron d’écurie pas comme les autres
Jack Brabham n’a pas attendu de créer sa propre équipe pour s’investir dans l’élaboration de ses autos. Chez Cooper déjà, il n’était pas rare de le voir mettre les mains dans le cambouis en compagnie de ses mécaniciens jusque tard dans la nuit, même la veille de courses. Le voir donner naissance à sa propre entité paraît dès lors assez naturel.
Désireux toutefois de continuer à courir, il décide d’assumer la double casquette de directeur d’écurie et de pilote. Si cette situation apparaît particulièrement grisante pour l’australien, les débuts de Brabham en Formule 1 sont compliqués. A tel point qu’en 1965, il envisage de mettre son casque au placard pour s’occuper exclusivement de la gestion de son écurie. Mais l’américain Dan Gurney, qu’il souhaite faire passer comme premier pilote, décide d’imiter son mentor en créant lui aussi sa team, Anglo American Racers.
Jack Brabham révise donc sa décision et s’engage, malgré ses 40 ans, pour la saison 1966, aux côtés de Denny Hulme. La FIA décide de surcroît cette année-là de faire passer la cylindrée autorisée de 1500 à 3000 cm³. Une décision que l’australien attendait depuis un certain temps. Sa Brabham BT19 à moteur Repco se révèle particulièrement efficace et permet à l’australien de monter sur la plus haute marche du podium à quatre reprises, balayant le scepticisme de bon nombre de journalistes concernant son âge avancé. Des critiques qu’il avait de toute façon tournées en dérision lors du grand prix de Zandvoort en rejoignant sa monoplace sur la grille de départ, affublé d’une fausse barbe et d’une canne.
Cette année- là, il devient le premier et seul pilote à ce jour, à avoir été sacré champion du monde à bord d’une monoplace de sa réalisation. Il ne profite toutefois pas de cette prouesse pour se retirer des circuits en pleine gloire et continue de courir pour son écurie jusqu’en 1970. On dit même qu’il aurait été en mesure d’accrocher une quatrième couronne mondiale en 1967, si son goût pour l’innovation ne l’avait pas poussé à tester différents réglages plus ou moins judicieux sur sa monoplace.
- Jack Brabham avec sa barbe de géronte lors du fameux grand prix de Zandvoort de 1966. © The Cahier Archive CB.
- Il n’était jamais le dernier à mettre le nez dans ses moteurs. © The Cahier Archive CB.
- Innovateur dans l’âme, il a été l’un des grands instigateurs du double aileron à la fin des années 60. Ce procédé jugé trop dangereux et peu fiable n’a cependant pas fait de vieux os.
Une retraite pas si éloignée des circuits
C’est à contre-cœur qu’il met un point final à sa riche carrière. Il a alors 45 ans. Cédant ses parts à son associé Ron Tauranac, il retourne en Australie et s’installe en pleine campagne entre Nouvelle-Galles du Sud et Victoria, pour mener une vie de famille paisible. Il reste toutefois proche du milieu de l’automobile, en fondant le motoriste Engine Devlopments Ltd – à qui l’on doit les moteurs Judd – et en s’impliquant dans différents rassemblements historiques.
Son patronyme a également continué de briller sur les circuits malgré son absence. Par le biais de son écurie tout d’abord. Rachetée aux débuts des années 70 par Bernie Ecclestone, futur argentier de la Formule 1, le palmarès de Brabham s’est étoffé de deux titres mondiaux supplémentaires, glanés en 1981 et 1983 par le charismatique pilote brésilien Nelson Piquet. L’écurie s’est ensuite maintenue en Formule 1 avec une réussite relative jusqu’en 1992, année de sa disparition.
Enfin, ses fils n’ont également pas manqué de faire raisonner le nom de leur illustre père dans les paddocks des circuits et particulièrement ceux des 24 Heures du Mans. L’aîné, Geoff, a en effet remporté l’épreuve en 1993 au volant d’une Peugeot 905 et David, le plus jeune, l’a imité 16 ans plus tard, sur Peugeot 908.







Complètement hallucinant de finir la course en poussant sa formule 1 ! Par contre le double aileron j’arrive pas à comprendre comment ça pouvait aider à l’aérodynamisme…
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