Nationalmannschaft, bourreau de Coupe du Monde

Gerd Müller, Franz Beckenbauer et Helmut Schön.

Olympiastadion, Munich, 1974. Gerd Müller, Franz Beckenbauer et le sélectionneur allemand Helmut Schön après la finale de Coupe du Monde.

4 juillet 1990, à Turin. La RFA se défait de l’Angleterre en demi-finale de Coupe du Monde. A l’issue de la rencontre, Gary Lineker, attaquant vedette des Three Lions s’écrie : « Le football est un sport simple : 22 hommes courent après un ballon pendant 90 minutes et à la fin, ce sont les allemands qui gagnent. » Une tirade devenue célèbre.

Il n’a pourtant pas fallu attendre cette 14ème Coupe du Monde pour apprécier la véracité de cette citation. La Mannschaft s’est en effet illustrée dans le passé en terrassant deux des équipes les plus séduisantes de l’Histoire en finale de Coupe du Monde. Ces cibles, le « onze d’or » hongrois et le « football total » hollandais, il y a respectivement 60 et 40 ans. Un rôle de briseur de rêves qui ne nous a d’ailleurs pas épargné nous français, si l’on ose se remémorer la tragique demi-finale de Séville en 1982. 

1954, âge d’or hongrois et désillusion

On pensait la génération dorée hongroise intouchable cette année-là. L’équipe est constellée d’étoiles montantes qui exporteront rapidement leur talent dans les plus grands clubs espagnols. On pense notamment à Zoltán Czibor et Sándor Kocsis du côté du FC Barcelone ou à Ferenc Puskás au Real Madrid. Avec 17 buts inscrits en deux matchs, la Hongrie confirme son statut de favori dès les phases de poules. Elle étrille même la RFA, qui n’est pas encore une grande nation du football en cette période d’après-guerre, 8 buts à 3. Ce qui n’empêche pas cette dernière de se qualifier pour le tour suivant.

Echange de fanions par Fritz Walter et Ferenc Puskás.

Fritz Walter et Ferenc Puskás lors du traditionnel échange des fanions avant le coup d’envoi de la finale de 1954.

Les deux équipes se retrouvent en finale. La RFA a successivement profité d’une décevante équipe de Yougoslavie et d’une faible Autriche alors que de son côté, la Hongrie a du surpasser une brutale Seleção puis arracher son ticket pour la finale aux prolongations face à une valeureuse Céleste. C’est donc lessivés que les hongrois abordent l’ultime étape du tournoi. Seule réjouissance ; le retour de l’icône nationale Ferenc Puskás, blessé au cours des premières rencontres.

Si cette finale, qui se tient au Stade Wankdorf de Berne devant plus de 60 000 spectateurs débute parfaitement pour la Hongrie, qui mène 2 à 0 au bout de seulement 8 minutes de jeu, les joueurs de Gustáv Sebes ne maintiennent pas cet écart très longtemps puisque la RFA parvient à égaliser 10 minutes plus tard. C’est finalement en toute fin de match que l’ailier droit allemand Helmut Rahn – par ailleurs grand-oncle de l’actuel joueur ghanéen Kevin-Prince Boateng – vient crucifier le onze hongrois, qui, sur les rotules, laisse passer son rêve de gloire.

Considérée comme l’une des plus fantastiques équipes de l’Histoire, grâce à ses joueurs brillants et son style de jeu sans concessions, à une époque où le 3-2-5 prévalait encore, l’équipe de Hongrie disparaîtra à tout jamais de l’élite du football international. Les Magyars n’ont plus participé à une phase finale de Coupe du Monde depuis 1986.

1974, duel de légende(s)

20 ans plus tard, la RFA a pris une toute autre dimension. Elle est même au firmament. Fraîchement sacrée championne d’Europe des Nations en Belgique deux ans plus tôt, la Manschafft aborde la Coupe du Monde 1974 dans la peau du favori. D’autant plus que l’événement a lieu outre-Rhin.

Franz Beckenbauer brandit fièrement la plus belle des coupes.

Franz Beckenbauer a été le premier capitaine a brandir le trophée actuel de la Coupe du Monde.

Pourtant, ses débuts ne sont guère fameux. C’est même son grand ennemi, la RDA, qui la malmène en phase de poules. Un échec idéologique qui n’empêche pas l’Allemagne de l’Ouest d’accéder au tour suivant, au cours duquel l’équipe monte en puissance.

Mais parallèlement, une autre grande nation de l’époque s’affirme et n’entend pas laisser passer sa chance. Il s’agit des Pays-Bas. Douée de la fameuse génération ajacide triple championne d’Europe des Clubs Champions de 1971 à 1973 guidée par l’immense Johann Cruyff, les oranje imposent avec brio leur « football total ».

Ainsi, si la RFA a eu fort à faire face à une surprenante équipe de Pologne menée par sa doublette Grzegorz Lato – Andrzej Szarmach ; 12 buts à eux deux, les Pays-Bas ont facilement disposé du Brésil. La finale qui oppose ces deux 4-3-3 particulièrement portés sur l’attaque s’annonce grandiose.

Mais au-delà de la confrontation internationale, c’est indirectement une opposition entre deux clubs. L’Ajax Amsterdam représentée dans le onze-type batave par Krol, Haan, Suurbier, Neeskens, Cruyff et Rep et le Bayern Munich côté allemand avec Maier, Beckenbauer, Schwarzenbeck, Breitner, Hoeness et Müller. Ce sont aussi deux légendes qui s’apprêtent à rejouer la course au Ballon d’Or qui a vu cette année-là Cruyff ravir le trophée au Kaiser Beckenbauer.

La finale tourne à l’avantage des Pays-Bas dès la 2ème minute, grâce à un pénalty de Johan Neeskens, suite à un tacle irrégulier d’Uli Hoeness sur le maestro néerlandais Johan Cruyff. Mais comme souvent, les oranje vont pêcher par arrogance. Trop sûr de leur force, ils entendent gérer tranquillement leur avantage plutôt que d’enfoncer le clou. Une tactique qui fait fi de la combativité intarissable des allemands qui, bien aidés par une décision malheureuse de l’arbitre anglais Jack Taylor, s’octroient également un pénalty une vingtaine de minutes plus tard, après une infiltration de Bernd Hölzenbein.

Paul Breitner, arrière latéral gauche de la Mannschaft.

Figure atypique et incontrôlable du vestiaire allemand, Paul Breitner n’en fut pas moins un élément prépondérant de l’équipe lors de la campagne victorieuse de 1974.

Or, malgré les nombreux leaders techniques de cette Mannschaft, aucun d’entre eux ne souhaite se confronter à cet exercice périlleux, qui n’avait pas réussi à Uli Hoeness en début de tournoi. C’est Paul Breitner, l’excentrique arrière gauche, rebelle de la sélection et maoïste assumé, qui s’y colle. Il transforme le pénalty sereinement et termine de la meilleure des manières un tournoi dans lequel il excella, alors que la légende dit que ces intenses semaines de compétition ne l’auraient pas empêché d’écumer les bars et boîtes de nuit nationales.

Les bataves ne retrouveront plus le chemin des filets et l’impossible der Bomber Gerd Müller ira même de son but, offrant à la Mannschaft, sa deuxième étoile.

1982, la France sonnée

Comment évoquer l’Allemagne comme terreur en Coupe du Monde sans revenir sur le plus gros traumatisme que le football français a vécu. En 1982, la plus prestigieuse des compétitions est à l’heure espagnole. Les Bleus voient poindre leur meilleure génération depuis la fameuse épopée de 1958 où Kopa, Fontaine, Piantoni, Vincent, Jonquet, Marche et consorts tinrent la comparaison avec le grand Brésil de Gilmar, Didi, Zito, Garrincha, Zagallo, Vava et Pelé.

Malgré une préparation calamiteuse avec une défaite contre le Pays de Galles et un début de tournoi compliqué, ponctué d’une défaite contre l’Angleterre, d’un nul contre la Tchécoslovaquie et, heureusement, d’une victoire, épique, contre le Koweït – un but français s’est trouvé annulé par l’arbitre après l’intervention des tribunes du cheikh Ahmed Al Jabber – les Bleus profitent d’un deuxième tour clément face à l’Autriche et l’Irlande du Nord pour se retrouver aux portes de la finale. Mais la Manschafft se dresse sur le chemin de cette équipe de France séduisante, que l’on imagine capable de créer la surprise. Il est vrai qu’après de nombreux tâtonnements tactiques, le sélectionneur Michel Hidalgo a trouvé la clef du succès avec son fameux carré magique composé de Michel Platini, Alain Giresse, Jean Tigana et Bernard Genghini.

Dans l’enceinte du stade Sanchez Pizjuan de Séville, les deux équipes se neutralisent au terme d’une partie tendue, marquée par la brutalité stupéfiante des joueurs de Jupp Derwall. Une attitude symbolisée par l’agression du portier allemand Harald Schumacher qui faillit couter la vie à Patrick Battiston, alors tout juste entré en jeu. Les deux équipes doivent dès lors se départager durant les redoutables prolongations.

Celles-ci débutent pour le mieux du côté français, puisque Marius Trésor transperce acrobatiquement les filets allemands seulement deux minutes après le coup d’envoi. Mieux, Alain Giresse l’imite quelques minutes plus tard d’un maître tir aux abords de la surface de réparation. On pense alors que contre vents et marées, les Bleus vont enfin accéder à la première grande finale de leur histoire. Mais c’est sans compter sur la violence persistante des allemands et la complaisance de l’arbitre néerlandais Charles Corver, dont les décisions apparaissent de plus en plus scandaleuses. Et au dernier moment, grâce à Karl-Heinz Rummenigge et Klaus Fischer, la RFA recolle au score. L’issue du match doit se jouer lors de la fatidique séance de tirs au but. Galvanisés tant par l’enjeu que par les substances ingurgitées ; si l’on en croit les récents aveux d’Harald Schumacher, les joueurs de la Mannschaft viennent finalement à bout des français et obtiennent leur place pour la finale.

Celle-ci tourne cette fois au désavantage des allemands qui tombent sur une remarquable équipe d’Italie, menée par un extraordinaire Paolo Rossi. Anéantis par ce scénario tant inique qu’ubuesque, les joueurs français ne parviendront pas à accrocher une honorifique 3ème place face à la Pologne deux jours plus tard.

Et l’Allemagne version 2014 ?

Autant de cas qui attestent que l’Allemagne aime à rappeler que le football n’est pas fait pour les équipes romantiques. Toutefois, le vent semble avoir quelque peu tourné. La Mannschaft de 2014 s’apparente en effet à une de ces équipes joueuses qu’elle aimait tant malmener sur l’autel de la rigueur.

Il est vrai que l’Allemagne aujourd’hui, c’est un milieu ultra-créatif avec Schweinsteiger, Götze et Özil, des ailiers de feu avec Schürrle, Müller et Reus – qui vient toutefois de déclarer forfait – mais aussi une défense comme talon d’Achille avec un Hummels diminué et un duo Boateng – Mertesacker sponsorisé par John Deere.

Toutes les traditions ne se sont quand même pas perdues. Pour garder ses bois, la Mannschaft a souvent eu ce qui se faisait de mieux. On pense à Sepp Maier dans les années 70 et Oliver Kahn dans les années 2000. C’est encore le cas aujourd’hui avec l’actuel gardien du Bayern Munich, Manuel Neuer. Même constat à la pointe de son attaque où l’on retrouve Miroslav Klose en passe de ravir le record de 15 buts en Coupe du Monde établi en 2006 par Ronaldo, le brésilien. Une manière de reconquérir l’exploit longtemps détenu par son illustre compatriote, Gerd Müller, resté bloqué à 14 unités.

Si le talent est bien-là, l’équipe allemande l’a prouvé lors des éliminatoires, saura-t-elle retrouver son évanescente âme de tueuse ? Car si les bookmakers considère l’Allemagne comme un prétendant au titre particulièrement sérieux, il ne serait pourtant pas étonnant de voir les joueurs de Joachim Löw buter une nouvelle fois aux portes de la finale de Rio.

Miroslav Klose lors de la Coupe du Monde 2010.

Miroslav Klose, buteur insatiable de la Mannschaft, va connaître sa quatrième coupe du monde.

 

Une réflexion sur “Nationalmannschaft, bourreau de Coupe du Monde

  1. « mais aussi une défense comme talon d’Achille avec un Hummels diminué et un duo Boateng – Mertesacker sponsorisé par John Deere »
    Cette phrase est magique!
    C’est vrai que l’Allemagne a bien redoré son blason sur ces dernières années. Je pense qu’ils iront loin cette année mais peut être pas en finale.

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