Le temps paraît nous échapper, nous oppresser, pour finalement manquer. Cette ritournelle très contemporaine n’est pas dénuée d’effets sur un monde de l’horlogerie qui semble rivé sur son ultime quête : mesurer le temps avec une précision infaillible. Après tout, n’est-ce pas le but premier d’un garde-temps ? Eh bien pas seulement, comme ont su nous le rappeler certaines maisons qui, le temps d’un modèle, se sont départies de cet horizon pour embrasser une ambition purement poétique.
Un rapport entre horlogerie et imaginaire qui n’a rien d’une lubie actuelle. Déjà au XIVème siècle, le fameux chroniqueur Jean Froissart relevait cette liaison dans son poème L’Orloge Amoureus. Il y compare dans une allégorie avant-gardiste, le rapport amoureux au fonctionnement mécanique de l’horloge, alors en pleine diffusion en Europe occidentale. De plus, ce précurseur voit dans la figure de l’horloger, un vecteur de plaisir et d’émotions, à l’image du poète.
Transformer le rapport au temps
Las de s’enquérir de l’heure d’un rapide et banal coup d’œil, certains horlogers ont entendu redéfinir cet acte routinier. On pense notamment à MeisterSinger, indissociable de son système à mono-aiguille, qui nécessite de s’y reprendre à deux fois pour habituer son regard à ce nouveau type de lecture.
D’autres ont voulu transformer le temps qui passe en une valse mécanique grandiose. C’est le cas d’Harry Winston avec l’Opus Eleven, dont l’ingéniosité émerveille. Radicalement opposé, le suisse Haldimann omet d’afficher l’heure avec son Tourbillon Volant H8 Flying Sculptura, pour concentrer l’attention sur son seul tourbillon qui, chaque minute, réalise une rotation à 360°.
- Hublot Masterpiece MP-02 Key of Time ou comment adapter le temps à sa volonté.
- Haldimann Tourbillon Volant H8 Flying Sculptura : l’absence d’aiguilles au service d’une des complications les plus fascinantes : le tourbillon.
- Hublot Masterpiece MP-02 Key of Time : quand la technologie décide de défier le temps.
Mais cette perception autre du temps ne se manifeste pas seulement sur le plan visuel. Elle peut également se vivre par le truchement de réglages mécaniques. Ainsi, la Hublot Masterpiece MP-02 Key of Time offre trois manières de voir le temps défiler. La première faisant passer les quarts d’heure en une heure, la deuxième suivant le temps à sa vitesse normale et la troisième le multipliant par quatre ; une heure s’écoule dans ce cas en seulement un quart d’heure. Un moyen d’adapter le temps à son bon vouloir.

L’élégant dessin de la Hermès Arceau Le temps suspendu, savamment agrémenté d’un calendrier rétrograde, invite à s’extirper des contraintes temporelles.
Plus poétique et tout aussi irrationnelle, Hermès et sa fabuleuse complication Arceau Le temps suspendu. Actionnez le poussoir situé à 9 heures et les aiguilles s’affoleront jusqu’à se figer autour de midi, dans une position invraisemblable en temps normal. Mais le « temps normal » n’a pas lieu d’être une fois cette spécificité lancée.
Van Cleef & Arpels, maître en la matière
Une maison française règne tout particulièrement dans cet exercice qui vise à unir horlogerie et imaginaire. Il s’agit de Van Cleef & Arpels, qui va fêter ses 120 ans l’année prochaine. Ce fleuron joaillier secoue le secteur de l‘horlogerie depuis le début du XXIème siècle, fort de sa créativité singulière. Si bien qu’il peut aujourd’hui être considéré comme l’horloger poétique par excellence, ce qu’atteste la pluralité de ses modèles.
- Van Cleef & Arpels Heure d’ici & Heure d’ailleurs accompagnée de sa consoeur, la très distinguée Pierre Arpels et son mouvement extra-plat Piaget.
- Van Cleef & Arpels Poetic Wish : l’illustration qu’une pièce originale peut se fondre discrètement dans une mise classique.
Ainsi, avec son Quantième de Saison, Van Cleef & Arpels déplace l’intérêt de la montre de la simple indication de l’heure à celle de la saison. Tout se passe en arrière plan et de manière subtile au rythme si cher à Antonio Vivaldi. Il atteint même la voûte céleste avec sa collection Midnight au firmament de laquelle on trouve l’incroyable Midnight Planetarium. Enfin, même l’ajout d’un fuseau horaire supplémentaire prend une tournure aérienne avec Van Cleef & Arpels. Plutôt que de recourir à une fonction GMT largement répandue, l’horloger français privilégie un système à double heure sautante – à 11 et 5 heures – le tout accompagné d’un laconique et abstrait « Heure d’ici & Heure d’ailleurs ».
Derrière cette poésie horlogère se cache le fameux atelier genevois Agenhor, créé par Jean-Marc Wiederrecht. Grâce à un talent incomparable, cet obsédé de l’extra-plat parvient à combiner brillamment le caractère baroque de ces complications avec une réelle sobriété dans la tenue globale de la montre. Comme pour permettre aux possesseurs de ces sublimes garde-temps de conserver jalousement le privilège d’observer un spectacle unique.






