Michel Platini, une légende dans la tourmente

Michel Platini célébrant son but sur pénalty lors de la Coupe Intercontinentale de 1985 contre les Argentinos Junior d'Olguín et Batista, à Tokyo.

Tokyo, 1985 : Michel Platini célèbre tranquillement son but sur pénalty lors de la Coupe Intercontinentale, opposant les Argentinos Junior d’Olguín et Batista, à la Juventus Turin.

Il y a trente ans cette année et bien avant Lionel Messi et peut-être Cristiano Ronaldo, Michel Platini devenait le premier joueur de l’histoire à arracher trois Ballons d’Or consécutifs. Une immense performance qui permet de jauger l’impact qu’a eu le maître à jouer français sur le football de son époque. Mais pas seulement, puisque devenu aujourd’hui un ponte des institutions internationales du football, « Platoche » entend atteindre les mêmes sommets. Cependant, les obstacles sont nombreux.

Issu d’une famille d’immigrés italiens, élément qui a sans doute eu une influence dans ses choix de carrière, Michel Platini naît en 1955 à Joeuf, en Meurthe-et-Moselle. Précoce et déjà star de son club natal à 16 ans, il tape d’abord dans l’œil du FC Metz, qui tente alors à cette période de s’installer sereinement en première division. Néanmoins les tests ne s’avèrent pas concluants. C’est finalement l’AS Nancy-Lorraine qui enrôle le jeune homme dans la foulée, en 1972. Un an plus tard, il effectue ses débuts professionnels. La France ne se doute pas encore du monument qui lui est offert.

Eclosion dans l’Hexagone, mythification de l’autre côté des Alpes

 Alors que l’ASNL effectue encore quelques va-et-vient entre D1 et D2 durant les premières années de la décennie 70, le club lorrain s’offre une jolie septième place pour sa remontée dans l’élite lors de la saison 1975/1976. Une performance confirmée lors de l’exercice suivant, l’équipe nancéienne terminant au quatrième rang, au nez et à la barbe du tenant du titre, l’AS Saint-Etienne. Bien évidemment, Michel Platini, deuxième meilleur buteur de la saison derrière l’immarcescible Carlos Bianchi, avec 25 unités, n’est pas pour rien dans ce parcours exceptionnel. A tel point qu’il se hisse même sur le podium du Ballon d’Or cette année-là, derrière le petit danois de Mönchengladbach, Allan Simonsen et la star anglaise du HSV, Kevin Keegan. Une première histoire avec le Ballon d’Or qui n’est en fait qu’un prélude.

Michel Platini dans son exercice favori : les coups francs, avec ses mannequins en mousse en guise de mur.

Michel Platini dans son exercice favori : les coups francs, avec ses fameux mannequins en mousse en guise de mur.

En 1979, son contrat avec Nancy touchant à sa fin, Michel Platini entend changer d’air. Après un transfert avorté à l’Inter Milan, il rejoint finalement Saint-Etienne, qui coiffe sur ce dossier l’autre ogre de ce championnat de France, le FC Nantes. Mais on dit alors qu’Henri Michel aurait fait pression en interne pour éviter son arrivée sur les bords de l’Erdre. Une anecdote qui prendra sens un peu plus loin dans l’article.

Son expérience stéphanoise est quelque peu contrastée. Les résultats du club ne sont pas à la hauteur des performances incroyables de la génération 76, malgré un championnat conquis en 1981. Mais ce sont surtout des problèmes extra-sportifs liés aux finances du club, qui viennent ternir l’aventure en vert du lorrain.

 

Il en est tout autrement à la Juventus qui s’est attaché ses services durant l’éprouvant été 1982. Malgré des débuts délicats, Michel Platini peut compter sur le soutien et l’admiration indéfectible de Gianni Agnelli, le propriétaire du club. Le truculent coach Giovanni Trapattoni trouve finalement la formule dans le courant de cette première saison pour mettre en avant les qualités de son meneur de jeu, en s’appuyant sur un autre attaquant arrivé durant la trêve estivale, le polonais Zbigniew Boniek. Leur duo mettra au supplice les défenses d’Italie et du Vieux Continent pendant trois années. Trois années durant lesquelles le « Roi Michel » remporte ses trois Ballons d’Or, devenant au passage une idole pour tous les supporters juventini, inconsolables quand il prend sa retraite en 1987, à seulement 32 ans, le physique ne suivant plus.

Symbole des grandes épopées des eighties des Bleus

Michel Platini fut donc un formidable joueur de club, mêlant performances, titres et fidélité. Celui qui n’a connu que trois clubs, a d’ailleurs laconiquement expliqué ses choix de carrière, peu de temps après avoir raccroché les crampons en affirmant : « J’ai joué à Nancy car c’est le club de ma ville, à Saint-Étienne car c’est le meilleur club de France, et à la Juventus car c’est le meilleur club du monde. » Pragmatique et cohérent.

Mais son parcours avec la sélection nationale est tout aussi notable, quand bien même les titres ne seront pas aussi nombreux pour cette génération à qui l’on promettait tant et dont Platini fut le héraut.

Trop jeune en 1978, impuissant face à l’injustice en 1982, c’est en 1984 qu’il est au sommet en soulevant le premier trophée des Bleus : la Coupe d’Europe des Nations. Le tout à domicile, au Parc des Princes. Il termine d’ailleurs meilleur scoreur de la compétition avec 9 buts en 5 matchs. Safet Sušić, époustouflé par la performance, en viendra même à dire un peu exagérément que Marco van Basten et Diego Maradona n’ont jamais fait aussi fort que ce que Michel Platini a réalisé cette année-là.

 

Le mondial mexicain de 1986 devait alors être l’apothéose internationale pour cette génération dorée. Hélas, à l’instar de ce qui s’est passé quatre ans auparavant à Séville, ce sont encore les allemands qui anéantissent leurs espoirs, en demi-finale de la compétition. A la régulière cette fois. Les français seront toutefois vengés en finale par l’Argentine des Maradona, Valdano et Burruchaga. Ils se consoleront même avec la troisième place obtenue après s’être débarrassés de la belle sélection belge emmenée par les Pfaff, Gerets, Vercauteren, Scifo et Ceulemans.

Encore aujourd’hui, Michel Platini demeure le deuxième meilleur buteur de l’histoire de l’équipe de France, surpassé par Thierry Henry en 2007 lors d’un match éliminatoire contre la Lituanie, au Stade de la Beaujoire. 

Une aura au service d’une après-carrière à l’accent politique

En 1987, Michel Platini met un point final à sa carrière de joueur. Néanmoins, il n’est pas question de s’éloigner de la sphère footballistique et encore moins de l’Equipe de France. Un an plus tard, à 33 ans, il devient le plus jeune sélectionneur français de l’histoire. Une expérience de quatre ans qui se solde par une triste élimination dès le premier tour de l’Euro 1992, après une non-participation au Mondial italien de 1990.

 

Platini ne poursuit pas dans cette voie et se rapproche des institutions dirigeantes du football. Organisateur de la Coupe du Monde 1998 en France, il devient conseiller spécial d’un Sepp Blatter tout juste désigné à la tête de la FIFA la même année. Il officie en parallèle à la Fédération Française de Football jusqu’à sa nomination à la tête de l’UEFA en 2007. Incontesté au sein de celle-ci, il en est depuis à son troisième mandat.

Mais l’homme n’entend pas stopper sa progression ainsi. Fort d’une influence certaine dans le monde du football, il se voit bien succéder à son mentor suisse, fragilisé par ses nombreux déboires judiciaires. Sauf qu’aujourd’hui, c’est Platini lui-même qui est rattrapé par cette vague de scandales qui secoue l’institution. Accusé d’avoir profité des systèmes de corruption qui font le sel de la FIFA, sa crédibilité et son statut salvateur est fortement entamé. L’avenir s’assombrit d’autant plus que le TAS a partiellement confirmé les sanctions prises à son encontre par les différents comité d’éthique et de recours de la FIFA. Alors qu’il met tout en place ces derniers temps pour faire valoir sa probité, certainement encouragé par l’attachement inaltérable manifesté par les français, il se pourrait que sa soif de pouvoir ait finalement brûlé les ailes de celui qui fut désigné meilleur footballeur français de l’histoire en 2004.

Michel Platini, publicité Renault 12

Cette publicité laisserait penser que « Platoche » n’a vraisemblablement jamais été un grand amateur d’automobiles.

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