1916, le football se tourne vers l’Amérique du Sud

Copa America 1916 Argentine

Cet été, la France sera le pays hôte de la Coupe d’Europe des Nations, au cours de laquelle, dans une formule plutôt euphémisante, elle espère bien faire bonne figure. Mais « l’Hexagone » ne sera pas l’épicentre de la planète foot. En effet, la Copa América – anciennement Championnat sud-américain de football – obligera dans le même temps les afficionados du ballon rond à partager leur attention des deux côtés de l’Atlantique. La compétition, dont la dernière édition s’est tenue l’été dernier, ne pouvait en effet manquer son centenaire, faisant ainsi exception à la règle de ne jamais organiser la même compétition internationale deux années de suite.

Hormis chez les recruteurs peut-être, l’européocentrisme tend généralement à nous faire oublier que le spectacle footballistique dépasse notre seul « Vieux Continent ». Bien avant ce dernier, les nations sud-américaines ont pensé à se réunir périodiquement pour s’affronter. Sans le savoir, il venait d’être mis en place un excellent exercice pour une poignée de pays qui deviendront quelques uns des plus grands palmarès de l’Histoire. Mais comme souvent, le sport dépasse son propre cadre et la Copa América en est un probant exemple en jouant in extenso un rôle politique et culturel.

Une compétition dominée par trois géants

Nul besoin de les présenter, les cadors du continent sont l’Argentine, l’Uruguay et le Brésil. Ce sont d’ailleurs, dans cet ordre, les trois premiers pays hôtes de la compétition. La hiérarchie est marquée et les trois protagonistes montent ensemble sur le podium à chaque fois jusqu’en 1922, année durant laquelle le Paraguay parvient à se hisser à la deuxième place, derrière le Brésil, qui s’octroie à cette occasion son deuxième titre.

Les trois pays de la façade atlantique méridionale du continent se partageront ainsi les médailles pendant plus de vingt ans. En 1939, le Pérou, qui s’est offert quelques incursions dans le podium final entre temps, s’offre sa première coupe. Il convient toutefois de rappeler que cette année-là, la Colombie, l’Argentine et le Brésil ont fait défection.

L’organisation de la Copa América se montre assez chaotique par la suite et plus ou moins officielle. Si certaines années, la compétition devient un événement annuel, elle se tient même deux fois en 1959. Durant cet espace temps, l’Argentine et l’Uruguay en profitent allègrement pour garnir leur salle des trophées.

 

Il faut attendre 1975 pour qu’elle prenne sa forme actuelle. C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’elle adopte son nom de « Copa América ». Autre particularité, les compétitions de 1975, 1979 et 1983 ne se tiennent pas dans un unique pays organisateur. On lui préfère la méthode des phases qualificatives où l’équipe étant à domicile accueille chez elle son adversaire. A la fin des années 80, il est néanmoins décidé d’en revenir à la formule du pays hôte, toujours en vigueur.

Si le Brésil a refait son retard dans les années 90, portant son total de coupes de quatre à huit, c’est bien l’Uruguay et l’Argentine qui caracolent en tête du palmarès de la Copa América avec respectivement 15 et 14 titres.

Mais le XXIème siècle pourrait bien signer la fin de ce trio de choc puisque l’édition de 2001 a vu la Colombie remporter sa première couronne, tout comme le Chili l’été dernier.

Une compétition d’ouverture pour rassembler l’Amérique

Organisée par la CONMEBOL – la confédération sud-américaine – la Copa América rassemble également des pays de la CONCACAF – la confédération nord-américaine et d’Amérique centrale –, et ce, depuis les années 90. Les équipes de la CONCACAF ont été convié au fur et à mesure, dans l’intention d’unir les deux pans du continent américain et d’apporter un peu de diversité, tout en offrant la possibilité à des équipes telles que le Mexique ou les Etats-Unis, de se mesurer à des ogres de la planète football. Le pays de Zapata ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour bousculer l’ordre établi en accrochant deux finales en 1993 et 2001.

Preuve de cette ouverture irrésistible à l’hémisphère nord américain, cette 45ème édition – dénommée spécialement Centenario – franchit pour la première fois le Canal de Panama, pour s’installer aux Etats-Unis. Et ce ne sont pas les soubresauts générés par les scandales de la FIFA qui entraveront la fête.

Mais cette soif insatiable de rassemblement a cependant abouti à de curieuses initiatives. On pense notamment à la participation du Japon en 1999. Le « pays du Soleil-Levant », une nouvelle fois invité en 2015, a toutefois décliné, au profit de la Chine, qui a du abandonner le projet au dernier moment.

 

De même, la Roja a été conviée pour l’édition 2011, mais elle s’est également vue obligée de refuser pour cause de calendrier surchargé. Même si la proximité de l’Espagne avec les pays d’Amérique latine est irréfutable, on peut regretter ce genre de décisions, qui tendent en définitive à vider de sa substance le caractère continental de la compétition.

Ensuite, si la Copa América a pu pâtir de certaines tensions entre différentes nations – on pense notamment à la querelle qui a opposé l’Uruguay et l’Argentine après la fameuse finale de la première Coupe du Monde en 1930, qui a bloqué l’organisation de la compétition continentale pendant près de six ans – elle a dans le même temps été salutaire pour certains pays sud-américains au sortir d’une période sombre politiquement.

Ainsi, en 1987 et 1989, soit quatre ans après la fin de leur dictature militaire respectives, ce sont l’Argentine et le Brésil qui se sont vus nommer hôte de la compétition, comme pour marquer le passage à une nouvelle ère pour ces contrées étourdies.

De même, en 1991, c’est le Chili, un an après le renversement du gouvernement Pinochet, qui accueillait la compétition, s’y distinguant avec une belle troisième place finale. Son attaquant vedette Iván Zamorano, qui termina meilleur scoreur avec 5 buts, en profitera pour s’engager dans le même temps avec le FC Séville et découvrir la Liga, préfigurant dix années de très haut niveau tant au Real Madrid qu’à l’Inter Milan.

Une aubaine pour se révéler

C’est là en effet un autre aspect, plus individuel, de la Copa América. De nombreux joueurs du continent américain ont profité de la compétition pour séduire bon nombre d’écuries européennes. L’édition 2015 a d’ailleurs fait honneur à cette coutume, la preuve avec les trois joueurs suivants.

 

  • Derlis González (Paraguay) : ailier virevoltant dont le talent avait été senti par le FC Bâle, le Dynamo Kiev s’est offert ses services au lendemain de la compétition.
  • Charles Aránguiz (Chili) : pilier de l’équipe vainqueur, le milieu de terrain joue depuis le début de la saison au Bayer Leverkusen. Pour imiter son aîné Arturo Vidal peut-être ?
  • Jeison Murillo (Colombie) : solide défenseur, dans la lignée de ses prédécesseurs Mario Yepes et Iván Ramiro Córdoba, il a séduit, comme ce dernier, l’Inter Milan qui l’a enrolée pour la saison 2015 / 2016.
Gabriel Batistuta et la Copa América, c'est une grande histoire. Révélé à la face du monde lors de l'édition 1991, qu'il remporte avec sa sélection, il réitère la performance en 1993 lors de l'édition suivante. Sa participation à celle de 1995, qu'il termine en qualité de meilleur buteur à égalité avec le mexicain Luis García Postiga avec quatre buts, lui permit de devenir le meilleur buteur de l'ère moderne de la compétition (à partir de 1975, année où elle adopte le nom de Copa América)

Monumental de Guayaquil, Equateur : Gabriel Batistuta célèbre son doublé face au Mexique lors de la finale de 1993, permettant à l’Argentine de s’offrir un deuxième titre consécutif. Révélé à la face du monde dès l’édition 1991, ‘Batigol’ reste le meilleur buteur de l’ère moderne de la compétition avec 13 buts. Performance permise grâce à ses quatre réalisations inscrites lors de la Copa América 1995.

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