
Artisan majeur de l’essor de la musique électronique révélé avec Oxygène (1976), album au style moins angoissé que les productions de Kraftwerk ou Klaus Schulze et plus ludique que celles de Tangerine Dream, Jean-Michel Jarre poursuit aujourd’hui son imposante œuvre. Une tournée européenne entamée au début de l’été vient en effet couronner ses deux derniers albums Electronica 1 : The Time Machine & Electronica 2 : The Heart Of Noise, sortis successivement en 2015 et 2016.
Une actualité des plus riches pour celui qui a inscrit sa démarche dans le sillage de l’œuvre expérimentale de Pierre Schaeffer, tout en composant pour le cinéma, la télévision ou des artistes populaires (Christophe, Patrick Juvet ou Françoise Hardy pour ne citer qu’eux). Un grand écart artistique qui lui sera le plus souvent reproché par les puristes, mais qui témoigne dans le même temps d’une certaine densité musicale.

Pierre Schaeffer, père de la musique concrète, s’est fait connaître avec ses ‘Cinq Études de Bruits’ (1948)
À 68 ans, Jean-Michel Jarre semble indémodable, traversant les époques tel un caméléon. Son passage au Zénith de Nantes était une bonne occasion de le vérifier.
Parfois réfractaire à la nouveauté – quand les classiques suffisent à susciter la satisfaction – je n’avais pour ma part pas vraiment accroché avec ses deux derniers opus, restant férocement attaché au caractère ambient – new wave de ses productions allant jusqu’aux années 90. Une pointe d’appréhension m’étreignait donc a priori. Celle-ci s’évapora rapidement dès les premières notes de The Heart of Noise Part. 1 choisie pour une immersion céleste.
La suite des événements s’apparente à un habile exercice de jonglerie entre grands classiques introspectifs (Souvenir de Chine, Oxygene VIII) et morceaux récents aux sonorités electro plus contemporaines. Le tout agrémenté d’une flamboyance scénique qui a fait la réputation internationale de l’artiste français. Les répercussions sur le public sont sans appel : la masse timorée du début laisse place à une foule hirsute, irradiée par les faisceaux en même temps que rossée par la puissance de la harpe laser.
Évoquer cette dernière permet par ailleurs d’aborder l’aspect technophile de l’univers de Jean-Michel Jarre. De nombreux albums sont ainsi allés de leur nouveauté instrumentale ; du duo Matrisequencer et Rythmcomputer pour Equinoxe (1978) au Digisequencer pour Chronologie (1993) par exemple. Pour autant, le musicien ne relègue pas les instruments conventionnels aux oubliettes, comme a pu nous le rappeler ce solo de guitare électrique à mi-concert. Sa formation classique n’y est sans doute pas pour rien.

En collaborant sur le morceau ‘Exit’ avec le lanceur d’alerte américain Edward Snowden, Jean-Michel Jarre prouve sa lucidité concernant les revers de la technique. Une piqure de rappel engagée face aux dangers indolores de nos sociétés modernes.
Jean-Michel Jarre incarne donc un trait d’union entre passé et modernité, tiré d’une volonté de s’intégrer dans le paysage musical du moment, en trahissant le moins possible la cohérence d’une œuvre conséquente. L’aperçu d’Oxygene 3 (qui sortira le 2 décembre prochain) offert à la fin de la performance par le natif de Lyon au public nantais paraît aller dans ce sens, démontrant que la nostalgie peut revigorer les esprits en même temps que servir la dynamique créative d’un artiste (mais aussi commerciale, ne nous voilons pas la face).

Je partage votre point de vue sur cet artiste dont le travail me passionne depuis 30 ans… Il est le trait d’union entre la musique d’hier et d’aujourd’hui (bien sûr avec d’autres grands compositeurs de sa génération)…
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