Lancia, du mythe historique à la décadence moderne

Vincenzo Lancia pilote

La « Lance » – dans la langue de Boccace -, a longtemps transpercé le cœur des amateurs d’automobiles. Il faut dire qu’entre audace technique, stylistique et réussite sportive, la matière pour forger un mythe à l’italienne comme on les aime était dense. Hélas, depuis plus de deux décennies, celui-ci n’est relégué qu’au statut de relique.

Vincenzo Lancia a tout juste 25 ans lorsqu’il fonde son entreprise en 1906. Ce fils de bonne famille, dont le père est un prospère industriel installé dans le nord de l’Italie, se prend de passion dès le plus jeune âge pour la mécanique, démontrant dans ce domaine des prédispositions étonnantes. Celles-ci retiennent l’attention de Giovanni Ceirano, autre explorateur de l’objet automobile de l’autre côté des Alpes, dont l’activité peut être rattachée à la naissance de FIAT (Fabbrica Italiana Automobili Torino) à l’aube du XXème siècle. Le jeune Vincenzo se retrouve intégré au projet en qualité d’apprenti-mécanicien. De là naît le premier lien entre les deux grands constructeurs turinois, qui se retrouveront les années 70 approchant.

  • Les premières Lancia qui ont jalonné l’émergence de la marque :
Calandre Lancia Alpha Touring

Calandre de la Lancia Alpha (1907), première-née des ateliers de Vincenzo Lancia.

Lancia & C. Fabbrica Automobili, l’innovation dans ses gènes

Dès le départ, Lancia s’inscrit dans une quête de performance. L’Epsilon et la Theta permettent ainsi de franchir allègrement la barre des 100 km/h, ce qui est assez remarquable pour des voitures de grand tourisme de cette époque.

Mais il ne s’agit pas de la seule voie qui guida Vincenzo Lancia dans l’élaboration de ses créations qui se sont également distinguées par leur confort. En ce sens, la Lambda et ses suspensions indépendantes, proposée en 1921, se présente même comme révolutionnaire. Une idée qui serait venue à l’esprit de l’industriel alors qu’il franchissait les difficiles routes de montagne menant à la résidence secondaire familiale perchée dans le relief alpin, en compagnie de sa mère.

Une double ambition qui restera le leitmotiv de la marque, dont le succès ne cesse de croître à partir des années 30. Hélas, la disparition prématurée de son fondateur à 55 ans, ne lui permettra pas de l’apprécier.

Vincenzo Lancia pilote sur Fiat en 1907

À l’instar d’un célèbre argentin ou d’un plus contemporain australien, Vincenzo Lancia ne s’est pas seulement fait remarqué dans les ateliers piémontais. Il courut également au volant de FIAT au cours de différentes courses d’endurance ou de côte. Sa carrière fut toutefois brève, puisqu’elle s’interrompit dès 1909, préférant s’adonner exclusivement à l’établissement de son entreprise.

  • Quelques belles qui ont fait la réputation de Lancia en matière de luxe, de confort et de performances dans les années 30 :
Lancia Artena (1931)

Lancia Artena (1931) : érigée comme le haut de gamme de la marque, cette imposante berline a brillé par sa fiabilité. On lui prête ainsi la prouesse d’avoir été la première voiture à franchir les 100 000 km sans révision.

Lancia Astura "Lince" Blindo 1942

Lancia Astura Lince Blindo (1942)

Un acteur majeur de l’élégance italienne post-WWII

Lancia a joué un rôle important pour l’armée italienne à l’occasion des deux grands conflits mondiaux, en déclinant notamment des camions et autres automitrailleuses par le biais de sa branche Lancia Veicoli Speciali. Une dimension pas vraiment glamour dans laquelle le constructeur excella pourtant. Lancia ne s’en départira qu’avec l’intégration de la marque dans le groupe FIAT en 1969.

Mais c’est avant tout grâce à ses désirables voitures de grand tourisme que Lancia maintint au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et jusqu’au aux années 80, son glorieux rang acquis durant l’Entre-deux-guerres. Le tout, grâce au concours des plus grands stylistes du moment – Bertone, Touring, Ghia, Vignale, Votti mais surtout Zagato, Pininfarina et Giugiaro. D’importants témoins de ces époques se retrouvent par ailleurs régulièrement à la une de nombreuses ventes aux enchères et autres concours d’élégance.

  • Quelques belles qui ont fait la réputation de Lancia en matière d’élégance dans les années 50-60 :

 

Essai de la Lancia Aurelia B24 Convertible de l’animateur américain Jay Leno, grand collectionneur automobile.

Du panthéon sportif au déclin conformiste

L’absorption de Lancia par le groupe FIAT évoqué précédemment ne va pas porter atteinte à la si belle singularité de la marque. Du moins, pas dans l’immédiat. Lancia continua ainsi de proposer des véhicules remarquables à sa clientèle, tout en se montrant performante en compétition par le biais de la Scuderia Lancia. Cette dernière émergea discrètement dans les années 50 avec notamment comme fait d’armes d’avoir fourni à la Scuderia Ferrari la D50 victorieuse en 1956. Mais c’est au cours des décennies 70 – 80 qu’elle connaît son apogée, particulièrement en rallye, cumulant le record du nombre de victoires (10 titres dont 6 consécutifs) en plus d’un impact incomparable sur la discipline avec ses divas du Groupe B.

Une vidéo qui montre en action les divas en question : Delta S4, 037, ECV… Cette dernière, avec son bloc 1.8 de 600 ch pour seulement 930 kg, symbolise la folie du turbo dans les années 80. Alors qu’elle devait courir en Groupe S – qui devait succéder au Groupe B – les nombreux accidents qui touchaient cette classe hors norme contraignirent la FIA à enterrer le projet.

  • Quelques noms et numéros que le fondateur de Lancia n’aurait certainement pas reniés tant ils sont synonymes de summum mécanique :
Lancia Fulvia HF 1963 - 1969

La Lancia Fulvia HF (1963) a lancé la fabuleuse histoire de la ‘Scuderia’ devenue ‘Squadra Corse’ en rallye en s’imposant sur tous les continents dans les années 60.

 

Lancia Thema 8.32 Ferrari 1987 - 1992

La Lancia Thema 8.32 et son fameux V8 Ferrari hérité de la 308, fut la dernière Lancia digne de son blason. Si sa ligne n’est pas tout à fait irrésistible, l’agrément de son moteur et son confort en font une berline remarquable. La fin de sa production décidée en 1992 coïncida avec l’effondrement de la marque.

Hélas, cette indépendance inespérée et réjouissante n’aura de cesse de s’amenuiser au fur et à mesure que les difficultés grandiront du côté de la maison-mère FIAT, de plus en plus décriée pour sa faiblesse de fabrication et son manque d’inspiration. Le tournant de la globalisation sied mal au groupe turinois qui s’engage dans des processus hasardeux. La crise traversée conduit au délaissement de Lancia qui finit d’être achevée par le contre-nature syncrétisme culturel opéré avec l’association entre Fiat et Chrysler. Cette dernière donna lieu à quelques abominations qui ont dû faire saigner les yeux et le coeur des plus fervents lancistes :

 

Lancia Thesis 2006 100ème anniversaire de Lancia

En 2006, la surprenante Thesis est venue célébrer le centenaire de la marque. Une création qui mérite d’être saluée tant son confort était à la hauteur en même temps que sa ligne dénotait de tout ce qui se faisait alors.

À une époque où une certaine standardisation d’influence germanique a envahi une part majeure du secteur automobile, peu de motifs d’espoir se présentent à nous pour recouvrer l’originalité délicieuse de cette maison immense, emblème de l’apport du génie italien dans l’histoire automobile.

Et ce, malgré la volonté d’âmes audacieuses. En effet, au début des années 2010, l’allemand Michael Stoschek, qui a fait fortune dans la vente de pièces détachées automobiles, lançait le concept New Stratos. Il s’agissait d’une réinterprétation moderne de la championne des seventies, sur la base d’une Ferrari F430, avec la collaboration du bureau Pininfarina. Si le projet n’a pas abouti dans un premier temps, il a été repris en 2018 par la firme MAT (pour Manifattura Automobili Torino) et découla sur la production de 25 exemplaires vendu un demi-million d’euros l’unité ; la survivance d’un mythe n’a pas de prix !

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