
S’installer au volant d’une Porsche puis d’une Aston Martin quatre heures durant, dans une même journée, relève du privilège. C’est dans le même temps l’occasion d’appréhender deux conceptions européennes de l’automobile bien différentes. Deux écoles en somme.
Cantonné aux réseaux autoroutier et périphérique reliant Nantes à Paris, le terrain de jeu n’était naturellement pas propice à exploiter les possibilités des deux bolides ; entre circulation dense et menace planante des contrôles-radars. C’est donc à partir de fugaces sentiments et d’une expérience en définitive assez circonscrite que les points de vue qui vont suivre ont été formulés. Le tout, agrémenté d’une bonne dose de subjectivité, cela va de soi.
Porsche, le pêché de la perfection ?
La première auto essayée était une Porsche 911 (Type 991) Carrera 4 phase 1. Elle ne dépassait donc pas les cinq années de mise en circulation et demeurait à ce titre un excellent témoin de ce que peut offrir la maison stuttgartoise depuis le début des années 2010.
Bien qu’elle ne soit pas ma tasse de thé, je dois reconnaître que la boîte automatique, couplée à la transmission intégrale, a rendu la prise en main de cette 911 des plus aisée. D’aucuns pas trop effrayés de se retrouver au ras du sol avec un engin valant 120 000 euros (prix neuf), laisseront d’ailleurs rapidement s’évanouir la pression, se donnant le droit d’apprécier la qualité de fabrication de l’habitacle, qui frise cependant l’austérité dans une finition cuir noir, carbone et aluminium, privilégiée pour insuffler sportivité et efficacité. Car ce sont bien ces traits que la saga des 911 cultive depuis plus de 50 ans.
Mais désormais, c’est aussi à une certaine forme de polyvalence que le modèle phare de la marque tente de se raccrocher. Objectif que la sportive allemande remplit avec brio, sacrifiant ainsi au satisfecit de l’automobile contemporaine. Capable de retenue et de douceur dans une circulation urbaine, notamment par l’entremise de son échappement à clapet PSE qui vient étouffer la toux rocailleuse du Flat-Six, elle peut dans le même temps se montrer intraitable en sortie de péage ou en voie d’insertion. Les 7 rapports s’égrènent alors de manière fulgurante et c’est dans une certaine quiétude, sur fond d’une musique rugueuse, dénuée de grandiloquence, que l’on se retrouve catapulté de 0 à 100 km/h en moins de 5 secondes. Les 350 chevaux, délivrés une fois la barre des 7 000 tr/min dépassée, permettent ainsi de s’extirper sereinement de la nuée d’automobiles se resserrant sur l’axe routier. Un autre point vient par ailleurs appuyer cette notion de polyvalence : la consommation de l’engin. Pour un trajet de 400 kilomètres – plus extra-urbain que mixte, il est vrai -, celui-ci n’a englouti que la moitié de son réservoir de 64 litres, soit 8 l/100 km. Ce qui apparaît remarquable à ce niveau de performance. Songez qu’en comparaison, une Maserati GranTurismo 4.2 – « l’entrée de gamme » du modèle italien – double ce rapport pour des performances quasiment équivalentes sur le papier.
Alors pourquoi parler de péché ? Peut-être parce qu’en fin de compte, la 911, à tout le moins dans une de ses versions de base, donne l’impression de s’être quelque peu aseptisée. Quelques éléments visuels, et non des moindres, viennent heureusement nous rappeler que ce n’est pas à bord d’une Audi, Mercedes ou BMW que l’on effectue son voyage, mais bien d’une Porsche. On pense notamment au logo aux couleurs allemandes qui orne le moyeu du superbe volant au-dessus duquel trône l’imposant compte-tours central ou encore à la beauté du galbe de l’aile avant qui détourne irrésistiblement le regard de l’horizon. La même sensualité que l’on retrouve dès que ce dernier croise le chemin du rétroviseur qui laisse apparaître l’imposante aile arrière au-dessous de laquelle tournoient d’imposants Pirelli P Zero de 20 pouces. Car oui, l’incomparable ligne de la 911 reste un réel bonheur pour les yeux. Nul besoin d’être avisé pour s’en rendre compte.
Cette expérience « porschiste », bien qu’extrêmement plaisante, a finalement souffert de la découverte, dans une temporalité trop proche, d’une toute autre galaxie, plus exclusive et grandiose encore, offerte par une native du centre de l’Angleterre…
