
Cette représente britannique n’est autre qu’une Aston Martin Rapide, berline cinq portes du prestigieux constructeur de Gaydon, produite à partir de 2010. Certes, ce n’est pas le modèle de la maison le plus illustre. La Rapide a même pu laisser penser que la marque allait se laisser aller à une certaine standardisation dans le sillon de Porsche et sa Panamera notamment, qu’elle vient sauvagement concurrencer. Mais cet a priori vole violemment en éclat dès qu’on y pénètre et que l’envoûtement de l’univers propre à Aston Martin prend corps.
Aston Martin ou la proposition d’un monde parallèle
Cet univers singulier vous explose au visage dès que le dessin de la Rapide s’expose à vous. Cinq mètres de ligne racée, majestueuse, qui font passer les grandes routières de luxe allemande ou les SUV XXL de longueur équivalente pour des blockaus.
Paradoxalement, ces dimensions n’induisent pas une vie à bord particulièrement cossue. L’espace disponible aux places arrières – deux sièges baquets -, séparées par un gigantesque prolongement de la console centrale qui isole un peu plus les occupants déjà mis à l’épreuve au niveau des jambes, se montre assez restreint. Au point de se demander s’il n’est pas plus confortable de se retrouver au deuxième rang d’une Porsche 911. De surcroît, avis aux claustrophobes, la luminosité y est faible. L’immense toit y contribue largement autant que le minuscule hayon qui limite la visibilité arrière ainsi que la sellerie grise anthracite. Plus que d’une berline – les portières arrières s’apparentant davantage à des trappes – la Rapide se rapproche d’une 2+2 à l’italienne. En ce sens, elle n’est pas sans rappeler la Ferrari 612 Scaglietti. Outre une taille généreuse et un V12 sensationnel, elle partage avec cette dernière une finition indigne en même temps qu’une ergonomie contestable pour des automobiles s’échangeant neuves contre un chèque supérieur à 200 000 euros. Seule la clef en cristal dénote au milieu de la console où elle trouve refuge. Celle-ci est en effet constituée de commandes plastifiées peu engageantes. De même, elle se voit affubler d’un ordinateur de bord qui, une fois surgi du sommet de cette même console, ne rappelle rien d’autre qu’un de ces vieux GPS Tomtom du début de notre siècle. Cette sorte de cabinet de curiosité se poursuit dès que l’on s’intéresse au mode de transmission, automatique. Point de levier de vitesse ici. Ce dernier se voit suppléé par quatre boutons alignés les uns à côté des autres, au-dessus du système radiophonique. Un procédé assez sidérant auquel on peine à s’habituer. De même, les phares s’allument grâce à une méchante molette qu’il faut dénicher à gauche du volant. Une coutume qui m’a personnellement renvoyé à mes leçons de conduite effectuées en Volskawagen Golf V ! Quant aux pares-soleil, ils s’avèrent tout à fait inutiles puisqu’ils sont sommés de suivre la gracieuse courbe dessinée par le pare-brise.
Mais trêve de détails futiles qui n’intéressent en définitive que les prédicateurs du culte technicien. Car ce n’est pas là que réside l’essence de cette auto qui poursuit en fin de compte le même but que ses consoeurs : offrir à chaque traversée, un moment unique, savoureux, quoique contraignant.
Si le regard est gratifié en premier, c’est bien l’ouïe qui reste en l’espèce le plus gâté des sens humains. Le V12 6.0 éructe ses premières vocalises une fois le bouton de contact pressé. On imagine alors tout son potentiel musical. Celui-ci est rapidement confirmé par les regards interloqués des passants qui ne peuvent s’empêcher de se retourner sur le passage hurlant de l’imposante GT sur les pavés de la Place Denfert-Rochereau. Et c’est à chaque fois avec un inlassable plaisir que l’on enfonce l’accélérateur pour délivrer cette sonorité ébouriffante. Si les 5,3 secondes nécessaires pour établir le 0 à 100 km/h peuvent paraître conséquentes, il convient de rappeler qu’elles sont le fait d’un engin de deux tonnes. Ce qui explique finalement que la poussée des 477 chevaux rassemblés à 6 000 tr/min prend davantage aux tripes que celle moins bestiale de l’efficace Flat Six allemand.
Des sensations qui ont néanmoins un coût. L’aiguille du réservoir décline à vue d’oeil au fur et à mesure que l’on profite du fabuleux 12 cylindres. Avec une consommation oscillant entre 15 et 20 l/100km selon la conduite adoptée, cette Aston Martin s’accompagne d’un budget carburant forcément substantiel, qui compte finalement dans son caractère exclusif. Mais le lot de sensations offert consentirait bien ces quelques sacrifices pécuniaires en même temps qu’il compense la perfectibilité de la diva anglaise !
