John Surtees, le champion interdisciplinaire

John Surtees en F1, au début des années 60

Il était le doyen des pilotes titrés en Formule 1. Le britannique John Surtees s’en est allé à 83 ans il y a quelques jours. Sa polyvalence – entre deux et quatre roues, ce qui n’est pas sans rappeler un pilote français déjà évoqué dans ces pages – et son talent lui ont permis d’accrocher un palmarès extraordinaire qui a désormais peu de chance d’être égalé.

Hégémonique à moto et trouble-fête sérieux en Formule 1

Fils d’un vendeur de motos, le natif de Tatsfield, au sud de Londres, se lance naturellement dans la compétition dès l’âge de 17 ans. L’univers motocycliste ne mesure alors pas encore le phénomène qu’il vient d’accueillir. Surtees s’apprête en effet à marquer profondément de son empreinte la discipline durant la décennie 50.

Après des débuts chez le fleuron national Norton à tout juste 18 ans, c’est en chevauchant les machines du fameux constructeur italien MV Agusta quatre ans plus tard, que le pilote britannique étale tout son talent en s’octroyant un premier titre mondial en 500 cm3. Entre 1958 et 1960, il écoeure carrément ses concurrents en remportant chacune des courses auxquelles il participe, à la fois en 350 et 500 cm3, pour un total de six titres en trois ans !

 

Après un tel raz-de-marée de succès, le moment vient pour John Surtees de se lancer un nouveau défi. Poussé par Mike Hawthorn, champion du monde de Formule 1 1958, Big John décide de troquer le guidon contre le volant. À la suite de quelques tests en Formule 2, il découvre la Formule 1 avec Lotus, dès 1960. En seulement quatre courses, il parvient à s’offrir une pole position et à monter une fois sur la deuxième marche du podium, derrière le futur champion du monde Jack Brabham. Néanmoins lucide et pas du tout grisé par ces débuts détonants, Surtees choisit d’intégrer pour la saison 1961, l’écurie Yeoman Credit Racing Team qui aligne des Cooper T53, là où Jack Brabham et Bruce McLaren, pilotes officiels de Cooper, bénéficient des plus modernes T55 et T58. En 1962, les vieillissantes Cooper son remplacées par des Lola Mk.4 qui siéent encore davantage à Surtees, qui pointe à une belle quatrième place à la fin de l’exercice. Une constance qui lui vaut d’être engagé par la Scuderia Ferrari en 1963. Ce n’est toutefois que l’année qui suit que l’apothéose survient pour le pilote. C’est en effet avec sa merveilleuse Ferrari 158 qu’il décroche sa première couronne mondiale qui le propulse immédiatement au panthéon du sport automobile. Il demeure, encore aujourd’hui, le seul pilote à avoir été sacré dans les catégories reines auto et moto.

 

Mais cela, c’était avant que le ciel s’assombrisse du côté de Modène. Alors que Surtees entretient des rapports de plus en plus tendus avec le directeur sportif de la Scuderia Eugenio Dragoni, il voit ce dernier profiter d’une période de convalescence du britannique à la suite d’un accident pour l’écarter au profit de Lorenzo Bandini et alors que Mike Parkes pousse dans le même temps pour se faire une place sous le soleil d’Emilie-Romagne. Pas du genre malléable, Surtees claque la porte de l’écurie et achève sa saison sur une Cooper T81 – Maserati. Il en profitera pour faire la nique à ses anciens coéquipiers en arrachant deux podiums et une victoire lors du dernier Grand Prix de la saison à Mexico.

S’ensuit une brève mais intéressante expérience avec Honda, qui s’invita sur les circuits de Formule 1 durant les sixties. Au cours de ces deux saisons ponctuées d’une victoire à Monza, Surtees se découvre surtout l’envie de diriger des hommes et de mener à bien des projets. Et après une terne saison avec BRM, il achève sa carrière de Formule 1 en 1973 à bord d’une… Surtees. Car c’est en effet un nouveau pan de sa carrière qui s’ouvre à lui à partir de 1970. Le pilote est devenu patron d’écurie et constructeur, dans le sillon de Jack Brabham et Bruce McLaren.

 

Graham Hill et John Surtees

À propos de la collaboration de son ami Surtees avec le constructeur japonais, Graham Hill confia dans une saillie teintée de culturalisme : « Dieu merci John a trouvé des Japonais pour travailler avec lui. Eux seuls sont capables de soutenir son rythme »

Réussite en demi-teinte comme constructeur

Sa nature indépendante le pousse donc rapidement à lancer, dès 1966, sa propre entité : Surtees Racing Organisation. Travailleur acharné, ses débuts sont plutôt bons de l’autre côté de l’Atlantique. Le britannique a en effet lancé cette année-là son écurie dans le grand bain de la CanAm et remporté sa première édition sur une Lola T70 Mk.2.

 

Trois ans plus tard, sa première création voit le jour. La Surtees TS5, une Formule 5000, se rode, là aussi, sur les circuits nord-américains. C’est l’aboutissement de cette première expérience qui incite John Surtees à franchir le pas de la Formule 1 avec la TS7, fabriquée conjointement avec Peter Connew. Quand bien même la jeune écurie réalise ses meilleures performances lors de ses premières saisons, avec une 5ème place au classement constructeurs en 1972, celles-ci restent laborieuses. Ce qui décide finalement Surtees à lâcher le volant en 1973, à 39 ans, pour se concentrer exclusivement sur la gestion de son écurie. Mais le manque récurrent de moyens, confronté à son exigence implacable – il s’attachait notamment à réaliser la mise au point de ses monoplaces sans prendre vraiment en compte les commentaires de ses pilotes, provoquant le départ de certains d’entre eux, Carlos Pace ou Jochen Mass pour ne citer qu’eux – fait que l’expérience tourne court, l’écurie disparaissant en 1978. Il faut cependant reconnaître à cette dernière d’avoir permis à quelques bons pilotes de s’aguerrir sur les circuits de Formule 1. On pense notamment à Alan Jones, futur champion du monde 1980 ou encore aux français Jean-Pierre Jabouille, Patrick Tambay et René Arnoux.

 

Définitivement retiré des circuits, il a fallu attendre la fin des années 80 pour voir John Surtees réinvestir le milieu de l’automobile en participant à divers évènements historiques qu’il a honoré de sa présence jusque dans ses dernières années. Ce qu’atteste cette vidéo présentant le pilote britannique en train de parader à Goodwood avec sa Ferrari 158, dans un tour d’honneur effectué en compagnie de Kimi Räikkönen au volant de la Ferrari F2007.

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