
L’Automobile Club de l’Ouest fête ses 110 ans. Un âge canonique qui sera mis à l’honneur ce week-end à l’occasion des 24 Heures du Mans, fête mondiale du sport automobile, que l’association organise depuis 1923
C’est incontestablement l’une des attractions de cette édition 2017 des 24 Heures du Mans qui se dérouleront en ce radieux week-end de juin. Deux bolides siglés d’un « V » tricolore seront alignés sur la grille de départ. Ce symbole, c’est celui de Vaillante, un constructeur automobile fictionnel bien connu des amateurs d’automobiles, imaginé en 1957 par le dessinateur de bandes dessinées Jean Graton, en vue de faire briller son héros, Michel Vaillant.
Vaillante, de la fiction à la réalité
Il ne s’agit pas de la première confrontation de la mythique marque avec la difficile réalité de l’épreuve reine de l’endurance. Il y a vingt ans déjà, une Courage « Vaillante » C41 se lançait avec fracas dans le grand bain manceau, avec à la clef, une réjouissante quatrième place. En 2002, c’était une Lola-Judd B98 badgée Vaillante que l’on pouvait voir progresser sur le circuit sarthois pour le compte de Michel Vaillant, le film, produit par Luc Besson et qui ne restera pas dans les annales…

1997 : avec la C41, réalisée en collaboration avec Yves Courage, la marque Vaillante peut enfin se mesurer à ses adversaires sur l’asphalte. À son volant, les pilotes Jérôme Policaud, Didier Cottaz et Marc Goosens
Plus que ces épisodes concrets avec la piste mancelle, c’est la place singulière de l’épreuve dans la saga imaginée par Jean Graton qui a du pousser l’écurie Rebellion Racing – émanation sportive de l’horloger suisse connu pour ses créations radicales – à s’associer avec l’éditeur belge Graton Éditeur. Un partenariat particulièrement scruté à l’occasion des 24 Heures du Mans, qui est néanmoins effectif depuis quelques temps déjà puisque les deux Vaillante-Rebellion présentées participent à l’ensemble du championnat du monde d’endurance FIA-WEC de l’année, dont le défi manceau constitue la troisième course. Les premiers résultats se sont d’ailleurs avérés particulièrement encourageants.

Au cours des deux premières épreuves du FIA-WEC, les Vaillantes-Rebellion 31 et 13 – en clin d’oeil à l’album numéro 5 – sont respectivement arrivées 2ème et 9ème à Silverstone et 2ème et 4ème à Spa dans leur catégorie LMP2. Montées sur un châssis Oreca 07, elles sont animées par un V8 Gibson de 600 chevaux. Consciente du potentiel symbolique de son projet, l’équipe suisse compte parmi ses neuf pilotes de talents, trois héritiers au nom illustre : Nicolas Prost, Bruno Senna et Nelson Piquet Jr.
Michel Vaillant, porteur de la grande histoire des 24 Heures du Mans
C’est au travers de sept albums que Michel Vaillant a investi l’univers des 24 Heures du Mans, se faisant témoin de l’épreuve sur pas moins de cinq décennies.
- Une précision documentaire
Le haut degré de réalisme de la production de Jean Graton reste incontestablement la raison principale du succès de la saga Michel Vaillant. À ses débuts, le sport auto n’était encore qu’une affaire de passionnés marginaux. Le natif de Nantes a pu alors approcher à sa guise, hommes et machines, perçant à jour leurs mystères. Cette immersion dans l’intimité des pilotes lui a par ailleurs permis de tisser au fil du temps des liens avec certains d’entre eux. Des « copains » qui finissent par côtoyer Michel Vaillant dans les scénarios imaginés par le dessinateur, assisté de son fils Philippe, aujourd’hui dépositaire de l’oeuvre. Une proximité qui a également offert à Jean Graton de glaner de précieux conseils en vue d’atteindre ce désir de réalisme ultime. En ce sens, il pouvait solliciter Jacky Ickx – son voisin à Bruxelles – afin de connaître le rapport de boîte utilisé ainsi que l’emplacement exact de l’aiguille du compte-tours de sa Formule 1, lorsqu’il abordait tel virage, sur tel circuit !
n°1 : LE GRAND DÉFI (1959)
- Ferrari 250 Testa Rossa, Porsche Spyder, Jaguar Type-D, Aston Martin DBR1, constituent une partie des valeureux adversaires de Vaillante dans ce premier album
- Michel Vaillant s’apprête à laisser le volant à son frère, dans un des nombreux passages de relais qui rythment l’épreuve sarthoise
n° 5 : LE 13 EST AU DÉPART (1962)
- Une carte détaillée pour immerger le lecteur dans l’univers manceau
- Sur une planche entière, Michel Vaillant nous fait découvrir le circuit à vitesse grand V
- Une Deutsch-Bonnet Panhard, petite sportive française venue titiller les favoris à l’indice de performance
n° 13 : CONCERTO POUR PILOTES (1968)
- De nouveau une planche dédiée à un tour de circuit. Michel Vaillant et Steve Warson cherchent ici à écoeurer leurs amis pilotes de chasse dans un défi « sensations » haut en couleur
n° 17 : LE FANTÔME DES 24 HEURES (1970)
- Porsche 907…
- … Hownet TX, Alpine A220/68, Alfa Romeo Tipo 33/2, Ford Mustang, Chevrolet Corvette C3…
- …Ferrari 330 P3 et Vaillante VS 70′ à la lutte pour le titre tant désiré
n° 36 : UN PILOTE A DISPARU (1980)
- En pleine épreuve, Michel Vaillant accompagné de son ami Didier Pironi, se lancent dans une course poursuite acrobatique en avion…
- … qui nous offre dans le même temps une vue aérienne du circuit sarthois
n° 55 : UNE HISTOIRE DE FOUS (1992)
- Présentation du circuit avec ses nouvelles chicanes venues couper la ligne droite des Hunaudières. Parmi les favoris de la course, Mazda 787B, Peugeot 905, Jaguar XJR14, Mercedes-Sauber C291 ou encore Toyota TS010/002
- Mais ici, c’est surtout la menaçante Leader qui offre la plus farouche opposition à la Vaillante VS 92′. Sans oublier quelques Porsche 962 et autres prototypes à moteur Ford
- Une volonté de rendre tangibles l’ambiance des « 24 Heures » et ses évolutions
L’amplitude des aventures de Michel Vaillant, étalées sur soixante ans, permet de saisir l’atmosphère, les sentiments pouvant cerner une telle épreuve ; la peur, l’effroi parfois, l’espoir, la détresse souvent, la tension toujours. Il est également intéressant de souligner la mise en lumière de la place croissante prise par la technologie dans ce défi ô combien exigeant. Là où Henri Vaillant – la figure paternelle – pouvait présager de l’arrivée d’un orage à l’intuition, doublée d’une grande expérience, Jean-Pierre Vaillant, son successeur comme directeur de course, se doit de composer avec des outils informatiques toujours plus perfectionnés. Ceux-ci lui permettent notamment un contact constant avec ses pilotes et une immédiateté d’informations qui accélère irréversiblement l’aspect stratégique de la course.
n°1 : LE GRAND DÉFI (1959)
- Une planche faisant vivre au lecteur un départ « Le Mans ». Les pilotes doivent rejoindre leur bolide à la course. Une tradition abandonnée en 1970 pour des raisons de sécurité.
- Les dangers de la course sont naturellement nombreux et les accidents se succèdent
- Mise en scène ici d’une Porsche et d’une Aston Martin se fracassant l’une contre l’autre en pleine nuit
- Dans les premiers albums, la convivialité est de mise. Le fidèle mécanicien Joseph fait ici profiter à Agnès de son rituel annuel : un « breakfast » avec l’équipe Jaguar
- Le circuit est vaste et les moyens de communications encore sommaires. Les directives de courses sont relayées au pilote par des personnes placées dans les points stratégiques du tracé, comme à Mulsanne
- Le « Père Vaillant », excellent météorologue
- Si la course est rude, le plaisir de conduite doit primer. Ce que semble nous faire comprendre Steve Warson au volant de sa Jaguar-Lister
n° 5 : LE 13 EST AU DÉPART (1962)
- À l’instar d’un Enzo Ferrari, rien n’échappe au patron, Henri Vaillant, qui supervise la descente de ses bolides
- Encore une belle photographie d’un départ « Le Mans »
- L’accident imaginé dès le début de l’histoire n’est pas sans rappeler celui qui a endeuillé l’édition 1955 des 24 Heures du Mans
n° 17 : LE FANTÔME DES 24 HEURES (1970)
- Pour la dernière du départ « Le Mans », Jean Graton nous gratifie d’une planche très dynamique
- En 1970, un robuste chronographe Omega prévaut encore sur la technologie qui s’apprête à déferler sur le sport automobile
n° 36 : UN PILOTE A DISPARU (1980)
- Dans cet opus sorti en 1980, le départ est lancé. Le prototype Vaillante joue ici des coudes avec la Renault-Alpine A442 de Jean-Pierre Jaussaud et Didier Pironi
n° 55 : UNE HISTOIRE DE FOUS (1992)
- Au début des années 90, les stands deviennent de véritables usines à gaz avec la prééminence accordée à l’informatique
n° 59 : LA PRISONNIÈRE (1997)
- La sécurité s’est considérablement améliorée au fil des ans. Tous les pilotes réchappent ainsi de ce terrible carambolage. Les freins efficaces de la Vaillante permettent même à son pilote de ne pas y prendre part
- Une appréhension subjective de l’épreuve par l’auteur
Mais face à cette rigoureuse objectivité subsiste l’inspiration personnelle de l’auteur au sujet des 24 Heures du Mans. Il paraît tout d’abord incontournable d’évoquer le rôle de la nuit qui, il est vrai, constitue la singularité la plus notable de l’épreuve. L’atmosphère unique qu’elle insuffle offre une matière artistique des plus intéressante pour le dessinateur qui en use parfois jusqu’au surréalisme.
Enfin, on peut souligner l’attachement de Jean Graton aux dénouements toujours heureux de l’épreuve. Un optimisme certes inhérent au personnage de Michel Vaillant, allégorie du héros sans faces sombres, immunisé du vice, hormis lors de quelques échauffourées, à l’instar d’un certain Tintin. Et quand les Vaillante n’accèdent pas à la place suprême, c’est pour laisser gagner un glorieux confrère. Ainsi, Leader, l’ennemi incontournable, n’a jamais connu autre chose que de cuisants échecs sur la piste mancelle face aux voitures bleues. Gageons que le scénario se répète pour les Vaillante-Rebellion (Dans leur catégorie, bien sûr).
n°1 : LE GRAND DÉFI (1959)
- Aux 24 Heures du Mans, la nuit constitue un véritable cérémonial
- La fascination qu’elle semble exercer chez l’auteur transparait dans ce visage déterminé de Michel Vaillant, apparemment grisé d’affronter l’obscurité au volant de sa voiture
- Une allégresse immédiatement refroidie lorsque l’orage s’invite dans la danse
n° 5 : LE 13 EST AU DÉPART (1962)
- À bord de sa magnifique Vaillante Le Mans 61′, Michel Vaillant fonce vers une nouvelle victoire. La deuxième… en deux albums
n° 13 : CONCERTO POUR PILOTES (1968)
- Et de trois six ans plus tard avec l’impressionnante Vaillante Sport-Prototype. Quelques jours auparavant, les deux pilotes faisaient la une des journaux pour leur rôle salvateur dans une catastrophe industrielle survenue près du circuit. Vous avez dit des surhommes ?
n° 17 : LE FANTÔME DES 24 HEURES (1970)
- Le circuit du Mans rien que pour soi, à la seule lueur d’une pleine lune…
- … Vraisemblablement un fantasme de l’auteur
- Dans cet album, le dénouement de la course est inconnu. Peu importe. L’honneur est sauf puisque les Leader ont défailli et la lutte finale se joue entre la Vaillante de Michel Vaillant-Yves Douléac et la Ford GT40 de Jacky Ickx-Chuck Danver
n° 36 : UN PILOTE A DISPARU (1980)
- Jacky Ickx – « Monsieur Le Mans » – à qui il est rendu un vibrant hommage dans l’album n°36. Il faut dire que le belge vient alors de réaliser l’exploit de remporter trois éditions successives (1975 – 1976 – 1977), dont les deux dernières au volant d’une Porsche 936
n° 55 : UNE HISTOIRE DE FOUS (1992)
- La nuit au Mans…
- … les feux qui scintillent…
- … et les disques de freins qui s’embrasent
n° 59 : LA PRISONNIÈRE (1997)
- 27 ans après sa virée nocturne romanesque dans les travées du circuit manceau, Michel Vaillant renoue avec cette atmosphère onirique, si éloignée de la ferveur générée par la course


































