24 juin 1998 – Assurée d’une qualification en huitième de finale après un début de parcours sans nuages, l’équipe de France est cette fois opposée au Danemark. L’enjeu de la soirée ? Déterminer laquelle de ces deux équipes s’adjugera la première place du groupe.
Le sélectionneur Aimé Jacquet profite de cette position plutôt confortable pour faire tourner son effectif et offrir du temps de jeu aux joueurs jusque-là cantonnés au banc de touche. Un excellent moyen de rappeler à chacun que c’est bien le groupe dans sa globalité qui est concerné par la compétition.
Ce n’est pourtant pas sur ces derniers, que d’aucuns désignent désormais comme les « coiffeurs » – expression qui daterait des années 50 pour traduire la frustration des non-titulaires qui, en l’absence de remplacements, avaient peu de chances de pouvoir se montrer – que nous allons nous appesantir. En effet, les deux buteurs de ce match, qui permettent alors à la France d’engranger une troisième victoire consécutive, sont des habitués du onze du départ et constituent, en compagnie de Fabien Barthez et de Marcel Desailly, la colonne vertébrale de l’équipe. Il s’agit de Youri Djorkaeff et d’Emmanuel Petit.
Le premier est un joueur inclassable. Ni tout à fait attaquant, pas franchement milieu, encore moins ailier, The Snake se rapproche d’un « neuf et demi« , doué techniquement, efficace dans la surface de réparation et bon tireur de coups de pied arrêtés. Fort d’une carrière étalée sur vingt années, la décennie 90 constitue assurément sa meilleure période au cours de laquelle il porte successivement les tuniques de l’AS Monaco, du Paris SG et de l’Inter Milan, où il accompagne un certain Ronaldo sur le front de l’attaque. Son plus grand tort – outre celui de constituer un casse-tête tactique pour tout entraîneur – aura finalement été d’avoir rencontré sur le chemin devant lui confier les clefs du camion Bleu, un certain Zinédine Zidane . Pas rancunier, il lui délivrera la deuxième offrande qui consacrera sa légende en finale du Mondial.
Le second est plus mystérieux encore. Milieu polyvalent, le normand de naissance est capable de projections offensives – son dernier rush gagnant à la 91ème minute de ladite finale en est un probant exemple – en même temps que de s’ériger comme un rempart défensif dur sur l’homme. Ce que lui permet un volume de jeu conséquent. Sa carrière en club ne fut toutefois pas un long fleuve tranquille. Au terme d’une élévation progressive sur « le Rocher« , « Manu » Petit se fera une place du côté de Londres, d’abord à Arsenal, puis à Chelsea après un passage compliqué au FC Barcelone.
Ces deux-là s’apparentent donc bien au stéréotype du « joueur de l’ombre ». Un profil qui peut sembler peu valorisant mais qui s’avère pourtant fondamental dans une équipe engagée dans une course aussi longue et exigeante qu’une Coupe du Monde. De véritables joueurs de sélection qui justifient davantage leur place dans le groupe par leurs faits d’armes internationaux qu’au vu de leurs performances en club. Un phénomène éprouvé qui peine pourtant à être appréhendé encore aujourd’hui, comme en atteste le retour ces derniers mois précédant la compétition, de l’antienne préférée des français : Qui de Karim Benzema ou d’Olivier Giroud doit occuper le poste de numéro 9 de l’équipe de France en Russie ? Le premier, attaquant français le plus talentueux fondamentalement, par ailleurs titulaire dans le meilleur club du monde depuis près de huit ans, néanmoins sans grands jalons avec les Bleus ou le second, pas vraiment fuoriclasse, en concurrence laborieuse avec Álvaro Morata à Chelsea, mais qui affiche une constance bien supérieure dès qu’il revêt le maillot national ? La réponse est dans la question.
- Quelques temps avant ce match face au Danemark, Youri Djorkaeff résumait dans le quotidien L’Equipe, son rapport avec la sélection nationale : « L’équipe de France ne peut se passer de Djorkaeff et Djorkaeff ne peut se passer de l’équipe de France. » Pas étonnant qu’il ait finalement dépassé les 80 sélections !
- Réputé cérébral et torturé, Emmanuel Petit n’a jamais paru aussi serein qu’après avoir inscrit le troisième but de la finale de la Coupe du Monde. Il semblerait qu’il ait bien suivi les conseils de son compère Patrick Vieira, auteur de la passe décisive, qui lui confiait dans le fameux documentaire ‘Les Yeux Dans Les Bleus’ : « Manu faut que tu penses à jouer au foot. Arrête de penser. » Tout un programme.

Trézéguet, Diomède, Vieira, Candela, Leboeuf sont les « coiffeurs » alignés pour ce troisième match. Une mise en jambe non-négligeable pour ce dernier, qui ne semble pas encore imaginer qu’il va devoir remplacer au pied levé Laurent Blanc en finale de la compétition !

