
Porfirio Rubirosa aurait eu 110 ans cette semaine. Dès que l’on entend personnifier l’hédonisme au XXème siècle, le nom de ce diplomate dominicain (1909-1965) revient invariablement. Une réputation qui est loin d’être usurpée.
En effet, sa vie durant, Rubirosa n’a recouru à ses talents – son entregent notamment – que pour atteindre son unique objectif de vie, futile soit-il : ne jamais s’ennuyer, quelqu’en soient les risques ou les conséquences. Ce qu’a finalement bien résumé l’une de ses nombreuses compagnes, l’actrice Zsa Zsa Gábor, dans son autobiographie One Lifetime Is Not Enough (1991) : « Nous étions comme deux enfants à la recherche de plaisirs (…) peut-être gâtés et égoïstes (…) Nous étions trop avides pour la vie et trop avides l’un pour l’autre. »
Une fuite en avant perpétuelle qui contribua à lui façonner une existence romanesque, presque caricaturale, en devenant un pionnier de la Jet-Set, phénomène social qui se développa spécifiquement au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et que seul le milieu du XXème siècle au travers des nouvelles possibilités de mobilité qu’il offrait, pouvait provoquer.
Originaire d’une famille aisée de la République Dominicaine, la carrière de diplomate de son père, concentrée entre Paris et Londres particulièrement, permet à Rubirosa de découvrir le mode de vie occidental. De retour aux Caraïbes dans les années 30, il rencontre Rafael Trujillo à l’occasion d’un tournoi de polo. Ce dernier, devenu président omnipotent de cette partie est de l’île Hispaniola, est conscient du potentiel de séduction de ce garçon – qui devient rapidement son gendre puisque Rubirosa s’entiche de sa fille Flor – et voit par son truchement, un véritable levier de promotion de son pays à l’échelle internationale. En contrepartie, il lui assure son train de vie dispendieux qui l’emmène de Paris à Los Angeles, en passant par Palm Beach, Gstaad, Deauville ou encore Saint-Tropez. C’est par le cordon de la bourse que l’autoritaire Trujillo tient finalement son diplomate fétiche jusqu’à son renversement intervenu en 1961, dans la continuité du sort assigné par la Révolution cubaine à Fulgencio Batista deux ans auparavant.
- Porfirio Rubirosa appartenait au premier cercle du dictateur dominicain Rafael Trujillo (situé au milieu sur la photo avec un noeud papillon noir). Une alliance vraisemblablement plus d’intérêt que de conviction
- Divorcé de Flor Trujillo, Porfirio Rubirosa épouse l’actrice française Danielle Darieux à Vichy, en septembre 1942, comme le relate ici le journal Le Matin. Alors représentant de la République Dominicaine auprès du Régime de Vichy, son comportement défavorable à l’occupant lui vaudra quelques semaines de détention outre-Rhin avant que le couple ne se retrouve cloîtré à Megève jusqu’à la Libération
Ce changement politique marque dans le même temps le crépuscule de la vie faste de Rubirosa qui perd là ses principaux subsides. De plus, la fortune qu’il aurait dû accumuler au gré de ses mariages successifs – pas vraiment désintéressés – avec les magnats américaines Doris Duke et Barbara Hutton s’est évaporée ; comme a pu le signifier son ami Gérard Bonnet, directeur du bureau parisien de Merrill Lynch, « Rubi » était plus cigale que fourmi.
Il s’engage alors dans différents projets – de la rédaction de ses mémoires à la création d’une ligne de parfum en collaboration avec une autre figure de la jet-set de l’époque, l’allemand Gunther Sachs, héritier de la famille Opel et rendu célèbre de par son idylle avec Brigitte Bardot –, mais rien n’aboutit. Une finalité qui n’est pas sans rappeler celle de son unique expérience cinématographique, Western Affairs (1955), qui restera aussi inachevée. Mais cette idée de film n’était-elle finalement pas davantage un moyen de reconquérir Zsa Zsa Gábor, partie prenante au projet, au sortir de son divorce d’avec Barbara Hutton, plutôt qu’une véritable soif de 7ème art ? Le doute peut subsister.
À la fin des années 50, le « playboy » comme il était surnommé, adopte un mode de vie plus paisible à Paris auprès de sa dernière épouse, la jeune actrice française Odile Rodin. Le dominicain se recentre alors sur l’une de ses grandes passions, le polo. Et c’est indirectement par la voie de ce sport qu’il va dramatiquement perdre la vie ; le 16 juillet 1965, alors qu’il célèbre allègrement le dernier titre de son équipe de polo au New Jimmy’s, le flamboyant diplomate, habitué des circuits, perd le contrôle de sa Ferrari lancée à vive allure sur le chemin du retour. Ou quand le plaisir et le risque s’entrechoquent, donnant tout son sens à son leitmotiv…
- La Ferrari 500 Mondial de Porfirio Rubirosa a participé à l’édition 2015 du concours d’élégance de Pebble Beach. Un magnifique exemplaire par ailleurs proposé par Bonhams la semaine dernière à l’occasion de sa dernière vente à Scottsdale. Estimée entre 5 et 6 millions d’euros, elle n’a hélas pas trouvé d’acquéreur
- Le dominicain, ici avec Zsa Zsa Gábor, utilisait cette voiture de course dans sa vie de tous les jours à Los Angeles. Francesca Hilton, seule fille de Zsa Zsa Gábor issue de son deuxième mariage avec Conrad Hilton, relatait que Rubirosa n’hésitait pas à pousser le V12 de l’italienne dans les artères de Sunset Boulevard jusqu’à dépasser les 100 mph/h
- Grand ferrariste, Rubirosa avait également un faible pour quelques belles françaises, dont cette Facel Vega FV 3B, mise en vente par l’Hôtel de Vente de Monte-Carlo en juillet 2017. Le véhicule, estimé autour de 240 000 euros, serait actuellement toujours disponible

James Dean installé dans la fameuse Ferrari 500 Mondial de Rubirosa, en 1954. Tous deux « furieux de vivre », ils connaîtront la même destinée tragique. À noter que la voiture s’est par la suite distinguée dans des courses californiennes avec à son bord de grands noms de l’histoire automobile tels que Richie Ginther ou Phil Hill
- Rubirosa courut également à bon niveau. Il participa aux 24 Heures du Mans 1950 à bord de cette Ferrari 166 MMB n° 26 en compagnie de Pierre Leygenie, mais durent finalement abandonner au 44ème tour
- Même issue pour la deuxième participation du dominicain à l’édition 1954 de l’épreuve mancelle au volant d’une Ferrari 375 MM n° 18, partagée avec l’italien Innocente Biaggio
- Alors qu’il privilégiait habituellement son Austin Mini pour ses virées nocturnes, Rubirosa fit exception ce soir de juillet 1965 en prenant le volant de sa Ferrari 250 GT Cabriolet Series II (et non une California Spyder comme il est parfois mentionné, notamment dans l’ouvrage de Cédric Meletta ‘Tombeau Pour Rubirosa’ paru aux éditions Séguier il y a un an). Il s’est tué à son bord, en plein Bois de Boulogne, dans un retour matinal certainement embué

Porté sur l’élégance vestimentaire, Porfirio Rubirosa avait notamment ses habitudes chez Cifonelli, adresse incontournable du tailoring parisien. © Cifonelli







