Le phénix ajacide de retour sur la scène européenne

Johann Cruyff et Johan Neeskens entourant leur entraîneur Rinus Michels : le triumvirat de l’Ajax des années 70, réunit au FC Barcelone autour de 1975

L’Ajax Amsterdam est sans conteste le plus grand club des Pays-Bas. Il demeure également de par son histoire un géant d’Europe. Naturellement lié à l’âge d’or des Oranjes, c’est bien le club rouge et blanc qui, en 1970 et sous la houlette de son entraîneur de l’époque Rinus Michels, met en place le « football total ». Bien relayé sur le terrain par le génial Johan Cruyff, les coéquipiers de ce dernier se devaient d’attaquer et de défendre tel un corps insécable. Système éprouvant pour les organismes et exigeant techniquement, il n’en restait pas moins irrésistible dès que la partition était maîtrisée. Ce qui fut le cas entre 1971 et 1973, période gratifiée de trois Ligues des Champions consécutives.

Cette aura historique est naturellement entrée dans l’ADN du club. Si elle peut parfois s’avérer pesante en période creuse, elle se montre tout à fait transcendante dès que les étincelles réinvestissent les travées de l’Amsterdam ArenA (devenue Johan Cruyff ArenA depuis 2018). Et c’est le bien le cas en cette année 2019.

Toujours à la lutte avec le PSV Eindhoven pour le titre national, cette cuvée ajacide s’offre dans le même temps un parcours en Coupe d’Europe enchanteur, le tout après avoir dû s’affranchir de trois tours préliminaires !

À la suite d’une phase de poule tout à fait maîtrisée, ponctuée notamment de deux matchs nuls face au Bayern Munich, l’Ajax se qualifie aisément pour les huitièmes de finale. On ne donne néanmoins pas cher des néerlandais qui tombent immédiatement sur le tenant du titre : le Real Madrid. Sûrs de leur force et sans renier leur style de jeu ambitieux, les ouailles d’Erik ten Hag parviennent à déstabiliser une équipe Merengue qui peine, il est vrai, à faire le deuil du départ de Zinédine Zidane. La maestria avec laquelle l’Ajax se défait de l’ogre madrilène force néanmoins le respect, à l’image du match retour exceptionnel de Dušan Tadić, crédité d’un rarissime 10/10 dans l’Équipe.

D’aucuns ne se doutait que la valeureuse équipe néerlandaise allait réitérer ce niveau de performance au tour suivant. Qui plus est face à la Juventus Turin, qui récupérait le statut de favori suite à l’éviction du Real Madrid. Toujours aussi séduisants dans leur projection vers l’avant et leur justesse technique, les jeunes de l’Ajax posent les mêmes problèmes aux Bianconeri, quand bien même Cristiano Ronaldo ne manque pas de leur rappeler qu’à ce niveau de la compétition, les grands joueurs suffisent à faire la différence.

Mais en sus d’affoler les défenses adverses, c’est sans doute la sérénité et la joie collective d’évoluer ensemble qui retiennent ici le plus l’attention, de surcroît pour une équipe affichant une moyenne d’âge inférieure à 24 ans ! Une force de groupe naturellement servie par quelques – futurs ou ex – cracks, sur chacune des lignes du 4-3-3 :
  • André Onana (23 ans) : titulaire depuis trois ans, le camerounais est un gardien complet et très rassurant.
  • Matthijs de Light (19 ans) : impressionnant patron de la défense, le capitaine est également capable d’imposer son physique dans les surfaces adverses pour catapulter le ballon dans les filets, comme il l’a montré hier soir.
  • Daley Blind (29 ans) : expérimenté et polyvalent, également réputé pour son jeu au pied, il est le pendant parfait de son jeune acolyte de défense.
  • Frenkie de Jong (21 ans) : véritable chef d’orchestre de l’équipe, les temps forts de cette dernière sont corrélés à son niveau de forme.
  • Lasse Schöne (32 ans) : comme en défense centrale, ce solide danois forme une paire complémentaire avec de Jong.
  • Donny van de Beek (21 ans) : véritable électron libre, son volume de jeu colossale offre une densité salvatrice au milieu de terrain de cette équipe joueuse.
  • Hakim Ziyech (26 ans) & David Neres (22 ans) : les deux flèches du front de l ‘attaque de l’Ajax ne cessent de percuter et de déborder jusqu’à éreinter les défenses adverses.
  • Dušan Tadić (30 ans) : formé comme ailier, le serbe est devenu un point de fixation vital pour l’Ajax. Sa technique et sa conservation de balle confèrent à ses deux prédécesseurs une grande liberté de mouvement.
  • Klaas-Jan Huntelaar (35 ans) : comment ne pas citer le « papy » de cette équipe, passé par le Real Madrid et le Milan AC notamment, encore capable de faire parler son incroyable sens du but.

Hélas, la magie du terrain retombée, l’ombre du prochain mercato vient jeter un voile trouble sur le devenir de cette si réjouissante équipe. Frenkie de Jong s’est déjà engagé avec le FC Barcelone contre 75 millions d’euros (le montant de transfert de Zidane en 2001) pour la saison prochaine. Il est inéluctable que les plus prometteurs de ses camarades, qui plus est à forte valeur marchande (on pense à de Light (70 millions*), van de beek (25 millions*), Ziyech (35 millions*) ou encore Neres (32 millions*)), cèdent aux sirènes des grosses écuries qui commencent déjà à fourbir leurs armes pour se jeter voracement dans l’arène des transferts…

Une situation qui rapprocherait finalement davantage cette génération 2019 du deuxième âge d’or du club amstellodamois intervenu en 1995. cette année-là, les jeunes pouces de Louis van Gaal séduisent le monde entier et viennent à bout du Milan de Fabio Capello en finale de la Ligue des Champions. À l’instar de cette saison, l’équipe est particulièrement jeune, de Michael Reiziger (22 ans) à Marc Overmars (22 ans), en passant par Edgar Davids (22 ans), Clarence Seedorf (19 ans) et surtout Patrick Kluivert (18 ans)… Ces jeunes espoirs s’envoleront tous un par un de l’été 1995 à celui de l’année 1997 ; le temps d’atteindre une nouvelle finale en 1996, perdue face à la… Juventus.

Souhaitons donc à l’équipe d’Erik ten Hag d’imiter leurs glorieux aînés sur le plan sportif dès cette année, car la fenêtre d’opportunité semble bien restreinte.

* source : TRANSFERMARKT

 

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Stade Ernest-Happel de Vienne, 24 mai 1995 : Frank de Boer, Nwankwo Kanu, Ronald de Boer et Finidi George s’offrent un tour d’honneur avec la Coupe « aux grandes oreilles ». On distingue au second plan Patrick Kluivert qui devenait ce soir-là, le plus jeune buteur d’une finale de Ligue des Champions

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