Fin de règne pour le « Marquis »

Gianni Agnelli, Luca di Montezemolo et Michael Schumacher

Giovanni Agnelli tendant la main à Michael Schumacher sous le regard de Luca di Montezemolo

Le gentlemen’s agreement entre Sergio Marchionne et Luca di Montezemolo n’aura pas tenu. Les relations entre les deux hommes étaient devenues tendues. Pudiquement, ce dernier a décidé de démissionner. Il dirigeait alors Ferrari depuis plus de deux décennies.

C’est pourtant lui qui a su revigorer le cheval cabré au lendemain de la disparition du maître, Enzo Ferrari. Malgré une réussite commerciale insolente – le chiffre d’affaire n’a cessé de progresser ces dernières années atteignant plus de 2,4 milliards d’euros en 2013 – il paye les mauvais résultats de la marque en Formule 1. Le pan économique ne fait pas tout. Le prestige Ferrari s’entretient également par le biais de la discipline reine du sport automobile. Sa discipline.

Un parcours dévoué aux fleurons de l’industrie automobile transalpine

Issu de la noblesse italienne – il détient le titre de marquis – le jeune Luca intègre immédiatement Ferrari après un cursus de droit conclu à la prestigieuse Université de Columbia. Bras-droit d’Enzo Ferrari dès 1973, il devient également un intime de la famille Agnelli en intégrant le groupe Fiat en 1977. Une fidélité qui lui permet ensuite d’administrer de nombreuses sociétés du groupe allant de la distillerie Cinzano à la Juventus Turin, quand bien même son cœur a toujours battu pour le Bologne FC, club de sa ville natale.

Enzo Ferrari, Niki Lauda et Luca di Montezemolo

Réunis sur cette photo : Enzo Ferrari, Niki Lauda et Luca di Montezemolo. Ensemble, ils ramènent Ferrari vers les sommets en remportant le championnat du monde de F1 en 1975. Le dernier titre avait été obtenu par John Surtees onze ans plus tôt.

Au début des années 90, le groupe turinois devient actionnaire majoritaire de la firme modénaise, orpheline de son créateur Enzo Ferrari, disparut en 1988. C’est logiquement que Luca di Montezemolo se retrouve propulsé à la direction du constructeur trois ans plus tard, après avoir notamment oeuvré au sein de la Scuderia lors du sacre de Niki Lauda en 1975.

Le retour au premier plan du cheval cabré

A défaut de savoir conduire, Luca di Montezemolo sait diriger. Avec son arrivée, c’est Ferrari qui reprend du poil de la bête. Il décide de revenir aux fondamentaux de la marque en lançant la 456 GT puis la 550 Maranello, deux majestueuses voitures de grand tourisme à moteur V12 avant toujours très désirables aujourd’hui. Parallèlement, il ne néglige en rien les sportives à moteur central en donnant naissance à la 348 qui sera par la suite suivie des magnifiques 355 puis 360 Modena. Une bien belle lignée.

Il parvient ainsi à remporter le pari consistant à concilier réussite commerciale sans pour autant sacrifier le prestige et l’exclusivité de la marque. Pour cela, il n’a pas hésité à réduire la production des usines de Maranello, malgré une demande toujours croissante. Si le désir des fidèles de la marque n’a fait que s’accentuer, les tarifs se sont eux aussi envolés.

Une impulsion que l’on remarque également du côté sportif. Di Montezemolo fait appel à Jean Todt, brillant directeur d’écurie qui a su emmener Peugeot Talbot Sport sur la route du succès, tant en rallye qu’en endurance. Et c’est avec la même réussite que le français dirige d’une main de maître l’écurie pendant quatorze ans. Michael Schumacher et la Scuderia écrasent tout sur leur passage, arrachant tous les titres décernés entre 2000 et 2004. Jamais une telle invincibilité n’avait été jusqu’alors observée en Formule 1.

Mais les cycles ont une fin. Les dynamiques vertueuses s’estompent. Et force est de constater qu’hormis la couronne mondiale obtenue en 2007 grâce à Kimi Raïkonnen, Ferrari peine à retrouver un nouveau souffle, en venant même à jouer les seconds couteaux. Chose impensable pour une marque de cette envergure. Sergio Marchionne, pas du genre à tergiverser, a voulu marquer le coup.

Un modèle de sprezzatura chez Ferrari

Luca di Montezemolo, col de chemise ouvert.

La sprezzatura selon le « Marquis » di Montezemolo

Mais ces lignes n’entendent pas seulement souligner la réussite de l’homme à la tête du plus fabuleux constructeur automobile. Comme de nombreux chefs d’entreprise italiens et bien loin de ce que peuvent produire par chez nous nos HEC, ENA ou autre Sciences Po’, Luca di Montezemolo demeure un modèle d’élégance. Nos voisins transalpins parle de sprezzatura. Un terme qui traduit une forme de raffinement décontractée, savamment négligée.

En ce sens, il n’est pas étonnant de le voir privilégier pour ses chemises des poignets simples, plus pratiques au quotidien que des poignets mousquetaires, trop sophistiqués. Pour ses vestes, en tout bon italien qui se respecte, le « Marquis » privilégie de larges revers, tantôt aigus pour celles à boutonnage croisé, plutôt « sport » pour les droites. Le tout sobrement agrémenté d’une pochette de soie blanche nonchalamment pliée.

En marge de ce classicisme convaincant, la fantaisie de Luca di Montezemolo réside au niveau du col de chemise. Lorsqu’il n’est pas cerné d’une cravate dont le petit pan dépasse volontairement le plus grand (cf. première photo), ce dernier prend irrémédiablement le dessus sur les imposants revers de sa veste. Un port osé, véritable signe distinctif stylistique du personnage, qui n’est pas sans rappeler les excentricités de son mentor.

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