Centenaire Maserati : un siècle de désir (Part. I)

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Carlo, Bindo, Alfieri, Ettore, Ernesto et Mario forment une belle fratrie. Leur nom de famille : Maserati. Ils sont tous ingénieurs pour Fiat ou Isotta Fraschini – illustre constructeur italien de la première moitié du XXème siècle – et manient plus ou moins bien le volant. Seule exception, le benjamin, Mario, qui se destine à l’art et au dessin.

Quatre ans après la disparition de Carlo à la suite d’un accident en course, l’entité Maserati – Società Anonima Officine Alfieri Maserati de son vrai nom – voit le jour à Bologne, en 1914. Elle se spécialise dans un premier temps dans les préparations sportives usant de ses accointances avec Isotta-Fraschini pour s’équiper de châssis.

Les locaux originels de Maserati à Bologne

Bologne dans les années 30 : C’est dans ces modestes locaux que le mythe Maserati est né. © Zagari

Mais la « Grande Guerre » approche. Heureusement, les solides compétences des frères Maserati vont être sollicitées par l’état italien et les épargner ainsi de la boucherie du front.

Ce n’est qu’en 1926 que Maserati devient un constructeur à part entière. La Tipo 26, première réalisation du nom, entend bien faire connaître le fameux Trident cher à la ville de Bologne, devenu emblème de la marque sous le coup de crayon de Mario, qui apporte ainsi sa pierre à l’édifice familial.

Un acteur de la compétition automobile de la première heure

La marque fait rapidement parler d’elle. En 1929, la V4, menée par Baconin Borzacchini, bat le record du monde de vitesse à Crémone avec une moyenne de 246 km/h sur dix kilomètres ! Mais le poids conséquent de l’engin du à son imposant 16 cylindres en V, ne lui permet pas de briller sur pistes.

Malgré la disparition prématurée d’Alfieri, le plus brillant de la lignée, en 1932, Bindo, Ettore et Ernesto prennent la relève jusqu’à ce que l’industriel Adolfo Orsi entre dans le capital du constructeur en 1937. Une tierce intervention nécessaire tant les finances de Maserati sont exsangues.

Wilbur Shaw vainqueur avec Maserati des 500 Miles d'Indianapolis de 1939

Wilbur Shaw à bord de la Maserati Boyle Special, victorieuse des 500 Miles d’Indianapolis en 1939 et 1940.

La première création du Trident sous l’ère Orsi constitue un tournant dans l’histoire de la marque.  Il s’agit de la 8CTF Boyle Special. Une impressionnante monoplace équipé d’un puissant 8 cylindres, qui réussit à s’imposer lors des prestigieux 500 Miles d’Indianapolis en 1939. La prouesse est même réitérée l’année suivante avec toujours à son volant, le talentueux Wilbur Shaw. Une série de résultats confirmée au fils des années par les nombreux succès des Tipo 60 Birdcage qui étincellent sur les circuits américains. L’aura de la marque outre-Atlantique est ancrée et ne déclinera jamais plus.

Du côté de la Formule 1, la firme bolonaise peine davantage face à ses compatriotes Ferrari et Alfa Romeo et doit attendre l’arrivée de Juan Manuel Fangio en son sein pour connaître son premier sacre en 1957, bien aidée par l’efficacité de la mythique 250F. Cette année-là, le génial pilote argentin remporte également les 12 Heures de Sebring aux côtés du français Jean Behra, à bord d’une sublime 450S.

Maserati-Ferrari, une proximité dans l’inimitié

Si la dualité entre Maserati et Ferrari germe dès les années 30, c’est au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale qu’elle s’exacerbe.

Sous l’impulsion d’Adolfo Orsi, le constructeur de la dotta – un des nombreux surnoms de Bologne – voit son siège social déplacé à Modène afin de bénéficier d’usines plus à même de satisfaire les grandes ambitions de sa direction. Ferrari et Maserati deviennent dès lors voisins. Parallèlement, ce changement de dimension ne seyant guère aux trois frères survivants, ils décident de quitter l’entreprise rompant la dernière racine familiale du constructeur. De retour à Bologne, ils donnent naissance à OSCA – pour Officine Specializzate Costruzione Automobili – qui se spécialise dans l’élaboration de Formule 1.

Giulio Alfieri, Omar Orsi, Giovanni Canestrini et Nello Ugolini

L’ingénieur en chef Giulio Alfieri, le manager Omar Orsi, fils du propriétaire, le journaliste Giovanni Canestrini et le directeur sportif Nello Ugolini réunis lors d’un grand prix.

C’est d’ailleurs dans cette discipline que le duel entre les deux firmes se cristallise dans les années 50 au point que la ville de Modène se divise entre « ferraristes » et « maseratistes », un peu à l’image de ce qui se fait à Milan entre Nerazzurri et Rossoneri ou à Rome entre Giallorossi et Biancazzurri en matière de football. Une situation très bien décrite par Ermanno Cozza – mémoire vivante de la marque – dans une interview donnée en 2011. Mais la décennie 1950 tourne à l’avantage de la Scuderia qui avec 4 titres raflés, écrase la marque au Trident et sa seule couronne arrachée en 1957.

Une anecdote explicite finalement bien ce fort antagonisme entre les deux marques. Et c’est Enzo Ferrari en personne qui en fut l’acteur central. En 1983, l’élégant président de la république transalpin Sandro Pertini vient visiter les usines Ferrari. Or, le protocole omet un élément en apparence futile, mais qui constitue un véritable affront pour El Commendatore. En effet, pendant qu’en France, François Mitterrand débarque à l’Elysée en Renault 30 voir en Super 5 lorsqu’il s’agit de vanter la dernière-née du constructeur étatique, la présidence italienne jette quant à elle son dévolu sur la Maserati Quattroporte – troisième génération – pour ses déplacements. C’est donc à bord de cette dernière que l’homme politique rejoint l’antre du charismatique constructeur. Mais la simple vision du Trident sur ses terres provoque l’indignation de ce dernier qui décide de transgresser le protocole en demeurant immobile sur son perron alors qu’il était prévu qu’il vienne accueillir son hôte. Intelligemment et sans s’offusquer, c’est finalement Pertini qui vient à lui, remédiant ainsi au malaise.

Aujourd’hui, les deux constructeurs n’ont pourtant jamais été si liés puisque suite à son rachat par Fiat, Maserati est entré dans le giron de Ferrari en 1997. Un drôle de destin en somme.

Siège social de Maserati à Modène.

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