Laurent Pokou, une étoile ivoirienne

Laurent Pokou a fait les beaux jours du Stade Rennais

Un soir d’août 2005, Lilian Thuram, Claude Makélélé et Zinédine Zidane signent leur retour en Bleu à l’occasion d’un match contre la Côte d’Ivoire. C’est la toute première opposition entre les deux équipes. Le retour des « anciens » s’avère précieux et le match se conclut sur un 3-0 à l’avantage des français. Ce soir, c’est à Lens qu’ont lieu les retrouvailles. Cette fois, la partie sera marquée par la minute de silence tenue en mémoire de Laurent Pokou, attaquant mythique des Éléphants, décédé ce week-end.

Bien avant Didier Drogba, cette figure du football africain initia la tradition des grands joueurs ivoiriens qui brillèrent dans le championnat de France. Comme son successeur, c’est d’ailleurs en Bretagne qu’il explosa au vu et au su de tout le pays.

Révélation internationale en équipe nationale

Né à Treichville, commune centrale d’Abidjan, en 1947, Laurent Pokou s’entiche vite de la balle, malgré les réticences de son père, bien établi dans l’administration du pays. À une époque où la professionnalisation du football est encore balbutiante, le jeune homme s’accroche pourtant à sa passion en parallèle de divers emplois. Rapidement remarqué pour son explosivité et ses qualités de dribbleurs, l’attaquant ivoirien se voit appelé en sélection nationale à même pas vingt ans.

Si sa renommé enfle dans son lieu de naissance, elle éclate à la face de tout le continent à l’occasion de la CAN 1968, organisée en Éthiopie. Malgré la défaite, Pokou s’illustre avec un doublé inscrit en cinq minutes.

Laurent Pokou, dur au mal, en plein dribble

Laurent Pokou s’est rapidement forgé une réputation de grand dribbleur. Son double-contact sur le gardien ghanéen Robert Mensah lors de la demi-finale de la CAN 1968 en est la plus belle illustration. « L’homme d’Asmara » est né.

Il confirme ses qualités de buteur au Soudan deux ans plus tard, au cours de l’édition suivante. Alors que son équipe est mal embarquée dans la compétition, Laurent Pokou sort finalement les siens de la phase de poules, grâce notamment à un quintuplé contre l’Ethiopie. Opposée pour la troisième fois de suite en demi-finale à sa bête noire, le Ghana, la Côte d’Ivoire s’effondre à nouveau face à son redoutable voisin.

Longtemps meilleur buteur de l’histoire de la compétition avec 14 buts en deux participations, il a depuis été supplanté par le camerounais Samuel Eto’o Fils, qui a atteint la barre des 16 buts en 2008, au bout de cinq éditions quand même. Un lot de consolation que Laurent Pokou a longtemps chéri, lui qui confessait en 2014 regretter de n’avoir pu remporter la plus prestigieuse coupe du continent sous le maillot national.

C’est dès lors naturellement que son nom apparaît dans le palmarès du Ballon d’Or africain. Il n’obtient néanmoins pas mieux qu’une deuxième place en 1970 et 1973. Une nouvelle déconvenue qu’il a sûrement pu digérer grâce à Pelé. Ce dernier, qui l’a découvert à l’occasion de la Coupe de l’Indépendance du Brésil organisée en 1972, s’est ainsi fendu à l’époque d’une déclaration narcissique dont il a le secret en affirmant : « J’ai trouvé mon successeur. Il s’appelle Laurent Pokou. Il n’a qu’un défaut, il n’est pas Brésilien ».

Dans le même temps, l’attaquant ivoirien éveille l’intérêt d’un bon nombre de clubs. Dès 1968, l’Olympique de Marseille, l’AS Monaco, le FC Nantes et l’AS Saint-Étienne sont sur les rangs. Le Standard de Liège et le Flamengo sont aussi entrés dans la danse. Mais c’est sans compter sur le puissant président de la République de Côte d’Ivoire Félix Houphouët-Boigny, qui entend conserver ce joyaux sur le territoire national. Il s’emploie ainsi à bloquer toute velléité de départ du joueur.

 

1974, arrivée à Rennes et adoption par la Bretagne

À la fin de l’année 1973, Houphouët-Boigny cède finalement aux avances du Stade Rennais. L’importance des activités commerciales en Côte d’Ivoire du groupe de François Pinault, qui siège au Conseil d’Administration du club dont il deviendra propriétaire 25 ans plus tard, n’y est certainement pas pour rien.

À peine descendu de l’avion qui l’a débarqué à l’aéroport du Bourget, Laurent Pokou signe en faveur des « rouges et noirs ». Dans le même temps, les dirigeants nantais l’attendent vainement 30 kilomètres plus au sud, à Orly… Une mésaventure qui ne découragera en rien les canaris qui reviendront régulièrement à la charge pour faire venir l’ivoirien, sans jamais y parvenir. Et ce, malgré une grande compétitivité à l’époque.

C’est donc du côté de Rennes que Laurent Pokou découvre le championnat hexagonal. Si ses performances individuelles sont remarquables – 46 buts marqués en 68 matchs – Pokou joue finalement peu, la faute à des blessures récurrentes. Il faut dire qu’à cette époque, les virtuoses sont particulièrement malmenés par d’âpres défenseurs pas encore effrayés par la menace du carton rouge fraîchement institué au lendemain du rugueux Mondial 1966. Ce n’est pas Pelé qui dira le contraire.

Mais lorsqu’il est sur le terrain, Pokou est insatiable. Ses qualités athlétiques et son sens du but lui permettent de réaliser des exploits, comme ce but venu d’ailleurs (0:25) inscrit contre les « Verts » en mars 1974. Une prouesse saluée après le match par l’entraîneur adverse, Robert Herbin. Mais pas seulement. L’arbitre du soir, un certain Michel Vautrot, qui a pourtant croisé de grands noms durant sa carrière internationale, n’a pas hésité à affilier l’attaquant ivoirien à Pelé, souscrivant ainsi à la thèse soutenue par le brésilien un an plus tôt.

 

Sa popularité sur les bords de la Vilaine ne tient cependant pas seulement de son efficacité et de ses statistiques. Les supporters rennais se souviennent également de ses facéties – de sa pirouette en entrant sur le terrain à ce but rocambolesque marqué contre Sedan où, après avoir dribblé le gardien et attendu le retour des défenseurs adverses, il pousse le ballon dans les filets d’une nonchalante talonnade, ce qui n’est pas sans rappelé un autre attaquant rennais, cette fois contemporain. De sa fidélité aussi. En effet, malgré la relégation du club breton pour la saison 1975/1976, Laurent Pokou entend respecter ses engagements envers « son club de toujours », contribuant largement, avec 17 buts en 12 matchs, à la remonté immédiate de l’équipe dans l’élite. Un attachement viscéral qui fut de nouveau observable au moment où le club décide de le relancer en 1978, à la suite de son échec du côté de Nancy. Un retour salvateur pour les deux parties, rendu possible grâce à la générosité des supporters rennais qui ont payé de leur poche pour rendre l’opération viable !

Son surnom de « duc de Bretagne », instigué par le journaliste Jacques Etienne et depuis passé à la postérité, en dit dans tous les cas long sur cette relation. À moins qu’il ne s’agisse d’un sarcastique clin d’œil à son arrivée avortée au FC Nantes, historique « cité des Ducs de Bretagne ».

C’est dans sa contrée natale que Laurent Pokou passe le restant de sa vie. Fort d’une aura véritable parmi ses concitoyens, il exerça différentes responsabilités dans l’encadrement du football ivoirien. Un statut qui lui causera néanmoins du tort durant les temps troublés de son pays, en atteste la bavure policière dont il fut victime en 2008.

Le Stade Rennais a rendu hommage à de multiples reprises à son attaquant fétiche, en prêtant son nom à un de ses salons notamment

En guise d’hommage à son attaquant fétiche, le Stade Rennais a donné son nom à un des salons du Roazhon Park

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