Tour Auto x 70 ans Ferrari

Ferrari 365 GT

Ferrari 365 GT 2+2 © Grégoire Papin

L’expression de Tour de France renvoie irrémédiablement à l’épreuve phare du cyclisme inaugurée en 1903. Quatre ans auparavant, l’Automobile Club de France, en partenariat avec le journal Le Matin, devançait pourtant cette dernière en organisant la première édition du Tour de France automobile. Une épreuve dont l’intérêt fluctua tout au long de son existence. Relancée en tant que course historique au début des années 90, son succès n’est plus démenti depuis, au point de constituer un rendez-vous vivement attendu des amateurs d’art de vivre automobile.

Rapidement délaissée après sa création – seules 14 éditions ont ponctué la première moitié du XXème siècle –, le « Tour Auto », dans son acception contemporaine, naît en 1951 de la volonté des dirigeants de l’Automobile Club Côte d’Azur. L’événement connaît alors une récurrence annuelle – hormis en 1955, la faute au drame des 24 Heures du Mans qui a entraîné l’interdiction temporaire du sport auto dans « l’Hexagone » cette année-là – et regroupe près d’une centaine d’équipages. Une dynamique qui ne dure qu’un temps. L’ACN éprouve des difficultés toujours plus grandes à rassembler les moyens nécessaires à la bonne organisation d’un tel rassemblement, et la compétition cesse à partir de 1965.

Mais c’est sans compter sur la passion d’un homme, Bernard Corsten, pilote à ses heures, qui reprend les rennes de l’épreuve en 1969. Son fonctionnement est simplifié avec l’instauration d’un classement général unique notamment. Cette nouvelle édition, forte d’un succès populaire certain, ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire du Tour de France auto. Pour maintenir cet engouement, de nouvelles bêtes font même leur apparition dans les parcs fermés de la course. On pense particulièrement aux Lancia Stratos et autres Ligier JS2.

Une ouverture qui ne permet hélas pas d’endiguer le manque d’attrait que suscite le « Tour » désormais organisé par l’Association Sportive Automobile Club niçoise et L’Équipe, au cours des années 80. Et ce, malgré son maintien dans le calendrier du Championnat d’Europe des rallyes. La dernière édition est finalement disputée en 1986.

Malgré ces successions d’inexorables déclins, voir ce pan de l’histoire automobile français trépasser de la sorte a paru insoutenable à une frange d’irréductibles. C’est pourquoi Peter Auto, acteur incontournable de l’univers de l’automobile classique, a décidé de faire basculer l’épreuve dans le registre des courses historiques. Le tout, avec une règle drastique d’éligibilité : les modèles participants doivent avoir couru l’épreuve entre 1951 et 1973 !

Dans le même temps, il n’aura échappé à aucun amateur d’automobiles que cette année 2017 est celle du 70ème anniversaire de Ferrari. Un événement symbolique fort que le constructeur n’a pas manqué d’honorer en proposant une édition spéciale de sa LaFerrari.

Le Tour Auto a de son côté traditionnellement accueilli un nombre important de bolides sortis des usines de Maranello. Tant est si bien que depuis que la course a revêtu son caractère historique, le plateau des concurrents s’apparente à un véritable rassemblement de « ferraristes ». Cette 26ème édition s’est ainsi retrouvée gratifiée de 28 Ferrari engagées allant des 308 et Dino 246, symboles du passage de la marque au moteur central dans les années 70, aux somptueuses 250 et 275, inimitables GT à moteur V12 des années 60, sans oublier la 166 MM Barchetta numéro 183 de 1949, qui ramène elle, aux origines du constructeur qui mettait sur roues sa première création, la 125 S, deux ans plus tôt. Elle n’a hélas finalement pas pris le départ de la course.

La fin des années 40, les débuts du mythe

C’est durant l’Entre-deux-guerres qu’Enzo Ferrari commence à faire parler de lui en menant brillamment l’écurie Alfa Romeo face à l’hégémonie de ses rivaux allemands. Rapidement, l’idée de fabriquer sa propre voiture de sport et d’y accoler son nom envahit l’esprit du natif de Modène. Si une clause contractuelle avec Alfa Romeo fait un temps obstacle à ce projet, c’est avant tout à cause de la Seconde guerre mondiale que ces velléités sont repoussées. Sa qualité de fabricant lui permet de gagner en prospérité durant le conflit et au sortir de celui-ci, de renouer avec son désir de course. C’est ainsi qu’en 1947 naît la 125 S, première Ferrari de la dynastie. Imaginée par le génial Giaochino Colombo qui la dote d’un 12 cylindres en V, motorisation favorite d’Enzo Ferrari, et élaborée par la Carrozziera Touring, elle va rapidement s’avérer être redoutable sur les circuits transalpins.

La 166, dévoilée au Salon de Turin 1948, est l’évolution naturelle de cette première-née. Elle affiche un certain adoucissement du point de vue esthétique et son V12 voit sa cylindrée passer de 1 500 à 2 000 cm3. À l’image de sa devancière, elle s’avère tout aussi efficace en course au point de se pourvoir d’un palmarès éloquent ; entre victoires aux Mille Miglia, à la Targa Florio ou encore aux 24 Heures du Mans 1949.

 

Les années 60, le summum du grand tourisme

La lignée 250 naît au début des années 50. Il s’agit indubitablement de la plus exceptionnelle de toutes celles sorties des murs de Maranello, tant pour sa longévité que pour son exclusivité et la richesse stylistique de ses déclinaisons. À partir des années 60, elle accouche de ses plus belles réalisations, dont deux des plus remarquables étaient représentées au Tour Auto cette année : La 250 GT Berlinetta (SWB) et la 250 GT Lusso.

La première, qui a déjà eu le droit à un article dans ces pages dans le cadre de l’évocation de la collection de Ralph Lauren, a été sacrée à de nombreuses reprises sur le Tour de France automobile. Ce n’est dès lors pas pour rien qu’elle a été réinterprétée par Pininfarina et Scaglietti dans une remarquable version « Tour de France ». Un attachement à l’événement qui peut expliquer la présence toujours notable de nombreux modèles lors de chaque édition du Tour Auto.

La GT Lusso (« luxe » en italien) se réclame de son côté davantage de l’esprit originel du grand tourisme. Élégante, sophistiquée, performante, elle représente la quintessence de l’art automobile selon Ferrari.

Vient enfin la 275, dont la carrière fut nettement plus brève (1964-1968), bien que largement à la hauteur de ses devancières. Forte d’une ligne grandiose, tout à la fois onctueuse, racée et agressive avec ses nombreuses ouïes, elle peut se targuer dans le même temps d’extraordinaires performances grâce à son V12 dont la cylindrée est portée à 3,3 litres pour développer jusqu’à 280 ch. Son comportement routier est rendu si efficace que l’on s’imagine aisément vagabonder sur Mulholland Drive à son bord.

Ferrari 275 GTB et 250 GT Berlinetta SWB, sur le port de Saint Malo, lors du Tour Auto 2017

Ferrari 275 GTB et 250 GT Berlinetta SWB cohabitant sur le port de Saint-Malo, lors du Tour Auto 2017. © Fabien D.

 

Ferrari 275 GTB sur le port de Saint Malo, lors du Tour Auto 2017

À l’instar des 250 SWB, les 275 GTB ont investi en meute les rangs du Tour Auto 2017. © Fabien D.

Les années 70, la généralisation du moteur central

Continuons ce délicieux voyage dans le temps avec la Dino 246 GT, qui occupe une place spéciale dans l’histoire de Ferrari. Outre le fait qu’il s’agisse de la première voiture de la marque à adopter un moteur central arrière – malgré l’opposition entêtée d’Enzo Ferrari vis-à-vis de ce positionnement – cet élégant coupé n’est pas siglé du cheval cabré mais du prénom du fils du créateur, prématurément disparu. Ce jeune ingénieur à qui l’on attribue, malgré quelques contestations, la paternité du V6 placé à l’arrière de la 206 GT – qui deviendra 246 quand ce bloc moteur, initialement destiné à la F2 156, gagnera en cylindrée en même temps qu’en puissance en 1970 – représentait l’avenir de la marque. L’hommage demeure donc significatif.

Mal accueillie par les puristes de la marque, elle se révèle cependant être un grand succès commercial pour le constructeur. Plus abordable, elle a en effet permis à une clientèle nouvelle d’approcher la firme modénaise.

La position centrale du moteur la rend par ailleurs performante et agréable à conduire malgré une puissance contenue (195 ch à 7 600 tr/min pour la 246 GT). On peut enfin noter que la déclinaison découvrable est tout aussi réussie. Ces versions GTS deviendront même une véritable tradition chez Ferrari, comme l’atteste la 308.

 

Cette dernière, devenue iconique à travers son omniprésence dans la série Magnum (dans sa version GTS d’ailleurs), avait pour rôle de perpétuer le succès de la 246. Cette fois équipée d’un V8 – un choix destiné à convaincre davantage les puristes sans doute –, la 308 n’a pas failli à sa mission et s’est révélée être un nouveau succès commercial pour Ferrari. Paradoxalement, elle marque le début d’un net déclin du niveau de finition et de l’ergonomie général des créations marquées du cheval cabré. Ferrari goûte en effet, à sa mesure, à la production de masse, largement exacerbée au cours des seventies. Les 308 sont ainsi sorties par milliers des chaînes de montage, quand la production pour chaque modèle ne dépassait pas quelques centaines d’unités jusqu’alors.

Cette même 308 a parallèlement connu un parcours sportif des plus intéressants, en rallye notamment. Citons en guise d’exemples son sacre au Championnat d’Italie des rallyes au début des années 80 – avec notamment une victoire lors de la Targa Florio en 1981 et en 1982 – et une deuxième place au Championnat d’Europe des rallyes en 1981 obtenue grâce à une belle victoire lors du Tour de France automobile. Une performance réitérée l’année suivante, avec à chaque fois à son volant, Jean-Claude Andruet, que l’on peut qualifier de « maître ès 308 ».

 

Ferrari 308 GTS QV rendue célèbre dans la série américaine Magnum

La fameuse Ferrari 308 GTS QV de Thomas S. Magnum (Tom Selleck)

Depuis lors, Ferrari n’a jamais cessé de progresser sur chacune de ces deux routes que constituent ces choix de motorisations, philosophiquement bien différents quoique complémentaires, qui apparaissent en définitive propre à la culture automobile italienne, Lamborghini et Maserati y ayant notamment goûté.

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